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L’Airbus A300, quelle aventure ! Quel pari Audacieux
Aventure industrielle et logistique d’un projet Européen
Dans l’article consacré à Alexandre Léger, il a été question de l’avion qu’il pilote et pour lequel il a été spécifiquement formé. Il serait bon de faire un focus sur ce fameux A300/600 et également sur le métier de pilote de gros porteur.
Dans un premier temps intéressons nous au premier Airbus. En effet l’A300 constitue le premier modèle commercialisé de la marque. Il s’agit d’un aéronef à large fuselage, le premier aussi à être fabriqué en matériaux composites. Sa dernière version, A300B4-600R, est améliorée en tant qu’appareil moyen-courrier, ouvrant le marché à sa version long-courrier, ayant pris le nom d’A310.
Raconter l’A300 c’est raconter l’histoire d’Airbus dès sa création puisqu’il en est à l’origine. Sa fabrication s’est étalée de 1972 à 2007. Conçu au départ dans le cadre de la coopération Franco-Allemande, espagnole et britanique cet avion moyen courrier 1200 miles nautiques.
Au salon de l’aéronautique de Paris-le Bourget en 1967 le tandem Franco-Allemand a annoncé le développement d’un avion bi-moteur, plus petit, plus léger, plus économique que les concurrents américains tri-moteurs. Au cours des mois de discussions, de problèmes de développement d’un moteur, de valses hésitation des britaniques, sa capacité initiale de 300 places a été réduite à 250. Mais le prototype a conservé l’appellation 300 en y ajoutant un B. L’A300B est très innovant pour l’époque car c’est le premier biréacteur avec une cabine composée de 2 couloirs, ayant seulement un équipage de deux pilotes dans le cokpit par la suite.
En outre, alors que chaque pays entendait développer ses propres produits ce fut le premier développement de programme réalisé par plusieurs industriels et plusieurs pays Européens
Il s’agissait d’une révolution et d’un challenge osé car à l’époque les solutions privilégiées étaient le tri moteur ou le quadri moteur. En plus il existait une crise de confiance dans la motorisation et un accord d’exclusivité entre Rolls-Royce et Lockheed portait sur le moteur RB211 censé équiper l’A300.
Le premier vol de l’A300B1 sera la première pierre de l’Histoire et de l’Aventure d’Airbus ! Il a lieu le 28 octobre 1972, à Toulouse pour une durée de 1 heure et 25 minutes à environ 340 km/h pour une altitude de croisière de 14 000 pieds ou 4 300m. Ce fut, dans des conditions réelles de vol la possibilité réelle de tester l’avion, son autopilote ainsi que le systéme complet d’extension- rétraction du train d’atterrissage. « Un vol de routine, un vol historique » d’après Bernard Ziegler directeur des vols d’essai, malgré les conditions météorologiques excécrables.
Sa commercialisation commença de façon cahotique. Au cours des deux premières années seules 50 commandes furent passées, essentiellement par les compagnies nationales : Air France et Lufthansa. Et pourtant l’A300 fit des tournées mondiales pour se présenter ainsi que ses avancées technologiques. Rien n’y faisait et en 1974 de plus en plus d’interventions et de réflexions prônaient l’abandon du programme.
Coup de génie, l’avionneur se mit à proposer aux compagnies aériennes la location de ses avions sur plusieurs mois au lieu de l’achat. Bingo, de ce moment jusqu’en 2006 les ventes dépassent les 550 A300B. La première location de 2 appareils se fit avec Thai Airways, Western Airlines voulut acquérir 8 appareils, commande dénoncée à la suite du refus de Washington. Ce ne fut que le 6 avril 1978 qu’une commande ferme de 23 appareils, plus neuf en option, provint d’une compagnie américaine, l’Eastern Airlines.
Le second exemplaire fabriqué fu vendu et mis en service par la compagnie charter belge Trans European Airlines (TEA), sous le matricule OO-TEF et baptisé « Aline » TEA le louera ensuite en 1980 à Air Inter où il fut surnommé « la Friteuse » par les mécaniciens de la compagnie.
L’aventure était lancée, elle continuera de façon éblouissante et permettra de développer de multiples version et déclinaisons. L’A300B est la matrice initiale
L’A300B est un très gros avion d’une masse maximale au décollage de 125 t. Une autre caractéristique très importante chez l’A300B est son large fuselage qui affiche un diamètre de 5,54 mètres. La cabine est aménagée en deux couloirs offrant plus de confort. Autre avantage, la soute permettant de contenir deux conteneurs de front, ce que les avions concurrents n’arrivaient à faire que sur de rares modèles. Il y eu deux types d’A300, passagers et fret ou cargo.
C’est la version B2-100 qui fut le premier modèle de production commercialisée en série. 137 tonnes de masse maximale au décollage, court rayon d’action, 9 sièges de front en passant de 270 places passagers à 314, il était plus long de 2,65 m. Cette version permit de lutter contre la nouvelle concurrence de la ligne TGV juste inaugurée.
La version A300B2-201/203 fut dotée de becs de type Krueger, que l’on retrouvera sur la version B4, ce qui permis d’améliorer les performances au décollage et à l’atterrissage. La masse maximale au décollage passa à 142 tonnes.
Le réacteur de Pratt & Whitney, JT9D-59A (2×230,2 kN au décollage, 2×199,2 kN après) équipa l’A300B2-320 dont les masses à vide et à l’atterrissage furent accrues.
La suite de la production se fit avec la version moyen-courrier A300-B4. Sa masse maximale passa à 165 t grâce à une voilure renforcée et son rayon d’action atteignit 5 500 km. En outre il dispose d’un réservoir de carburant dans le caisson de voilure. Il a été le modèle d’A300 classique le plus vendu. Ces appareils se pilotaient à 3 hommes d’équipage puisque ce dernier comportait un mécanicien de bord situé deriière les deux pilotes.
La version A300B4-203/220 FFCC (Forward Facing Crew Cockpit) fut dotée d’un poste de pilotage complètement modifié pour que l’équipage réduit à 2 memebres n’ait pas à se retourner vers les compteurs situés à l’arrière. L’A300B4 devint en 1977 le premier avion conforme à la norme ETOPS-120 qui autorise le survol des zones océaniques et désertiques par des bimoteurs.
Pour complément d’informations on peut lister sommairement d’autres versions :
A300B5 : version fret (futur A300F4-203, A300B6 : version fret allongée, ensuite modernisée (A300B4-600/600R, A300F4-600R), A300B8 : version raccourcie, A300B9 : version très allongée permettant 350 sièges (TA9, A330), A300B10 : version raccourcie pour long-courrier, A300B11 : quadriréacteur (TA11, A340), A300-600.
Il s’agit de la dernière génération d’Airbus A300. Deux déclinaisons spécifiques hors passager et fret, l’A300-600ST nommé « Beluga », servant à transporter les gros éléments des différents Airbus (ailes et fuselages entre autres) et l’A300-ZERO G, A310 F-WNOV, pour les vols paraboliques et l’apesanteur (pendant 22 secondes). C’est la puissance importante des deux moteurs de l’A300/600 qui ont permis des déclinaisons.
A préciser que le premier A310 fabriqué portait le numéro 162, s’inscrivant dans la même numérotation que les A300 dont il se différenciait par sa version raccourcie, l’adoption d’une nouvelle voilure et d’une électronique plus avancée. L’A300-600, se présente comme une version modernisée de l’A300 reprenant l’essentiel des modernisations de l’A310, sauf celles de la voilure. Avec les A310, l’A300 fut fabriqué et vendu à 821 exemplaires. Le coût de développement de l’A310 fut important, pour la France 3,455 milliards de francs soit environ 527 millions d’euros.
Une des ameliorations porta sur l’aide au pilotage, la sécurité, la présence nécessaire aux commandes. Ainsi l’on pu passer de 3 membres de pilotage à deux.
Mise en place du Fly By Wire (commandes de vol électriques et non plus hydrauliques), d’un pilote automatique à partir de l’A300B4 FFCC (Forward Facing Crew Cockpit), et des technologies numériques au côté de technologies analogiques. A compter de ce moment ce fut désormais le calculateur qui commanda l’appareil, enfin, la reprise des commandes manuelles par l’équipage était et est possible à tout moment. Un bémol toutefois, Les calculateurs ne furent totalement numériques qu’à partir de l’A320. Airbus pour plus de sureté, et à l’inverse de Boeing, assura une sécurité grâce à la redondance avec trois ordinateurs différents, tant sur le plan matériel que logiciel. 6 écrans à tube cathodique répartis en 2 paires identiques pour chaque pilote et 2 autres présentent les informations requises pour piloter l’appareil en hiérarchisant leur importance. Au plan logistique, s’agissant de 6 écrans identiques, le changement ne pose aucun problème.
Une codification spéciale permet aux membres de l’équipage de suivre l’état de l’appareil. En cas de message en rouge l’équipage sait qu’il doit immédiatement résoudre une anomalie.
Par dérision on parle de « cockpit de verre ».
Airbus a mèné plus loin sa réflexion sur la conception, la production et l’utilisation des avions en instituant un principe de flexibilité autant pour les appareils, les commandes que les pilotes et leur formation. Cela s’appelle la « Communité ». Ce principe permet des économies par la rationalisation des stocks de rechange et d’outillage, mais aussi pour les compagnies en diminuant les frais de maintenance et de formation des pilotes. Nous verrons dans un prochain article sur le métier de pilote ce qu’est une qualification multiple ou Cross Crew Qualification
Plus sûr, plus efficient, donc plus rentable, l’A300 a quand même subi en 50 ans de service 32 accidents ou incidents causant la destruction de l’avion, faisant 1126 victimes, 3 actes criminels entraînant la mort de 290 personnes, 23 détournements au cours desquels 13 autres personnes furent tuées. Soit 0,07 drames et 1,74 victimes par avion mis en service. Comptabilité macabre qui démontre que l’A300, au vu des chiffres précédents mis en perspectives avec les millions d’heures de vol accomplies, est un avion très sûr.
Bien entendu il s’agit avec cet article de faire un Digest plutôt qu’un argumentaire technique exhaustif.
Gilles Desnoix
Un commentaire sur “Chaque mercredi, prenez de la hauteur avec l’Aéro-Club du Bassin Minier”
Toutes mes félicitations de la part d’un ancien voisin . A vos ordres Capitaine ! et bons voyages