Prendre de la hauteur !
Maud Perron, une ascension à 4810 m pour un 14 juillet de feu !
Maud Perron s’est offert pour le 14 juillet, une aventure unique, particulière et pleine d’émotions. Elle a gravi le sommet du Mt Blanc après moult aventures et péripéties !
Elle nous livre son épopée et son vieux rêve enfin réalisé !
Maud a 25 ans. Elle réside à Saint-Vallier. Elle est très sportive et après avoir occupé les courts de tennis du Bassin Minier, elle s’est dirigée vers le triathlon.
Côté professionnel, elle a travaillé aux Lycées Parriat et Léon Blum. Puis elle a passé le concours d’adjointe administratif de l’éducation nationale qu ‘elle a réussi haut la main. À la rentrée, elle intègre le C.I.O de Montceau-les-Mines.
Depuis plusieurs années, un rêve occupait son esprit et ses pensées. Maud voulait faire le Mont Blanc. Une idée fixe, un rêve de gosse. Mais toujours, il y avait une raison pour ne pas le faire, ou ce n’était pas le moment, ou pas les finances, bref… Il fallait attendre !
Mais ce mois de décembre 2016, elle contacte la maison des guides de Chamonix et signe le contrat : ce sera pour juillet 2017 avec l’option 5 jours et par la voie des 3 monts : le Mont Blanc du Tacul, le Mont Maudit et le Mont Blanc !
Maud choisit cette option pour mettre toutes les chances de son côté.
Le Mont Blanc en 5 jours permet de s’acclimater à l’altitude en montant par paliers, d’apprendre à utiliser le matériel spécifique nécessaire pour cette grande ascension (crampons, piolet…) et d’évoluer encordé en haute montagne au milieu de paysages exceptionnels. Ce stage demande d’avoir une très bonne condition physique et une pratique régulière d’un sport d’endurance.
De ce côté, ça va ! Elle avait six mois pour se préparer physiquement et se faire mentalement à l’idée, que cette fois, c’était la bonne, enfin, son rêve au bout des crampons !
« Pour la préparation physique j’ai bossé l’endurance, le footing, le vélo, la rando avec dénivelé.. à raison de trois séances par semaine ! J’ai continué mes entraînements de triathlon avec les membres du tri de Montceau-les-Mines. J’ai fait les sorties ski avec le Ski Club du Bassin Minier,… Tout se présentait plutôt pas mal mais tout au fond de moi, j’avais une grosse angoisse, celle de ne pas réussir ! »
Puis, le jour J arriva. Le départ : Lundi 10 juillet, à 10h, rendez-vous à l’Argentière avec un groupe de 6 personne et un guide. Direction le refuge Albert 1er avec des sacs de 12kg sur le dos : crampons, doudounes, chaussures,… On part pour l’école de glace afin de se familiariser avec les crampons et la technique du piolet. Cette journée doit permettre au groupe de faire connaissance et de tisser des liens.
Mardi 11 juillet : 2ème jour : lever 4h45 et direction le sommet des têtes Blanches à 3460m puis redescente sur l’Argentière.
Mercredi 12 juillet : 3ème jour : lever 6h, direction l’Italie par le tunnel du Mt Blanc, Courmayeur et objectif le refuge Torino à 3375m pour de l’entraînement encordé et du piolet : « On est toujours actif mais gros mal de tête, migraine ophtalmique ! Le jour J approche, il faut que ce mal de tête s’en aille ! Il est hors de question que je ne le fasse pas ! Il est hors de question de renoncer ! Aspirine pour combattre le mal des montagnes … »
Jeudi 13 juillet : 4ème jour : traversée de la Vallée Blanche jusqu’au refuge des Cosmiques. Les courageux montagnards prennent de plein fouet le programme du lendemain : le Mt Blanc du Tacul, le Mt Maudit et le Mt Blanc !
« J’ai mal aux talons ! Mais…je ne lâcherai rien ! »
Jour J : vendredi 14 juillet
Lever à 1h du matin. C’est le jour tant attendu :
« J’ai pas fermé l’oeil de la nuit ! Grosse nuit blanche ! »
Petit-déjeuner et départ à 1h 45 à la frontale, la tête dans le guidon pour 7h30 d’ascension sous les étoiles …
« On a un guide pour 2, c’est une belle et longue course qui nous attend par les trois Monts. Le premier sera celui du Tacul (4248 m), puis le Maudit (4342 m) pour ensuite clore la trilogie par le Mont Blanc. On monte, on monte, on a l’impression que ça ne va jamais s’arrêter ! Le Mont Blanc du Tacul ! Ouah…du très, très dur ! Grosse pente de glace au piolet ! Coup de chaud ! C’est haut, y a le vide !, les crevasses ! J’ai confiance totale en mon guide Antoine …
A 4h50, on rejoint l’autre cordée au moment d’un passage de glace au piolet pour rejoindre le Mont Maudit ! Un passage délicat, la pente se dresse jusqu’à 45° degrés. Il faut l’attaquer de face, planter le piolet dans la neige et enfoncer les crampons . L’effort est intense, il faut être concentré à l’extrême. Il y a 1000m de vide au dessous. Les conditions météos se dégradent, le vent souffle à 70 km/h ! ça brasse, ça remue sec ! Il fait froid ! -20° ressentis…
L’ascension du Mont Blanc est difficile, c’est de la pente, il faut monter mais le vent remue et ça souffle fort ! Difficile de respirer, on sent le manque d’oxygène ! Petits pas… froid… la neige vole, virevolte au rythme des rafales de vent !
Allez, plus que 200 m ! On y va tout doux. Ces derniers mètres de dénivelé sont terribles !
Et puis, moment magique : 7h52 : le Mont Blanc, le sommet !
Ça y est ! Je l’ai fait ! Envolées les angoisses, disparus les maux de talons, le froid, c’est de l’émotion pure ! Tu chiales, tu pleures de joie ! Je l’ai voulu ce moment et c’est encore plus intense que je le pensais ! C’est absolument magnifique ! Grosse joie… On ne s’attarde pas quand même ! »
Bon, maintenant, il faut maintenant redescendre !
Antoine nous prévient : « Quand on atteint un sommet, nous ne sommes qu’à la moitié du chemin et ce qui nous reste est parfois plus compliqué avec la fatigue. Le sommet est atteint mais la course se finit à l’hôtel dans la vallée !
On devait revenir par le dôme du Goûter, mais notre guide préfère reprendre la même voie, trop d’accident dans la semaine précédente ! Je ne ressens pas la fatigue, j’écarquille les yeux et je vois tout ce que la lumière du jour a découvert !
Petits pas sur les arêtes, prudence ! J’ai grosse confiance en notre guide et entre nous, les 5 jours de préparation ont été vraiment profitables ! Restez bien concentré pour la descente ! Je me retrouve à Chamonix vers 16h30, j’appelle ma mère et je rassure tout le monde ! »
Maud reste deux jours aux Houches pour se remettre de ses émotions et de cette semaine exceptionnelle.
Pour l’an prochain, elle envisage déjà la suite… Ce sera l’Aiguille Verte ! Mais avant elle se prépare pour le marathon du Charolais le 4 novembre !
«On se rend compte de l’impact du réchauffement climatique, de la diminution des glaciers,.. C’est vraiment une superbe aventure mais également une réelle prise de conscience d’ un monde fragile qu’il faut protéger ! »
J.L Pradines
3 commentaires sur “Prendre de la hauteur !”
Magnifique, merci pour ces belles photos. Bravo, pour les amoureux de la montagne c’est un régal.
Bravo, magnifique, merci de partager ce joli moment avec nous, agrémenté de photos qui donnent envie.
C’est toujours avec grand plaisir que je constate l’intérêt que portent les « gens de la plaine » au Géant qui domine mon « berceau » !
Cotoyer la haute altitude n’est pas chose anodine . Cela marque une vie pour toujours . Il y a un avant et un après !
Plutôt que vous adresser , Maud , de banales félicitations pour la lucidité , l’humilité et la ténacité dont vous avez fait preuve pour préparer cette ascension , permettez-moi de vous offrir le texte d’un homme qui fut l’un de mes meilleurs amis durant de longues années : Pierre Dalloz (architecte urbaniste /écrivain /alpiniste / 1900 -1992)
« Zénith »
« Nous avons remonté bien des vallées, au fond desquelles nous sont apparues des cimes de toutes formes et de tous noms.
Chacun de ces souvenirs est marqué pour nous d’une heure du jour ou de la nuit, d’une saison, d’une couleur particulière de la roche.
Mais ce n’est pas là l’essentiel.
L’essentiel est la qualité d’une émotion qui ne vieillit pas malgré les années et malgré la répétition d’un spectacle qui nous est, à la longue, devenu familier.
Cela commence toujours de la même façon.
On ne voyait rien devant soi que la monotonie des éboulis, que la ligne amollie des pâturages, lorsque, tout à coup, surgit un détail, tellement éloigné en profondeur et en altitude, marqué d’un tel signe qu’il devient désormais impossible d’en détacher le regard.
A ce pouvoir de fascination on reconnaît la haute montagne.
Point n’est besoin pour être asservi de découvrir une chaîne immense. Le moindre morceau de glace ou de roc y suffit s’il appartient vraiment au monde d’en haut et si, par lui, nous est révélée l’ALTITUDE.
Comme la mer nous permet de percevoir l’étendue, la haute montagne nous rend sensibles les profondeurs immenses du ciel.
Nous aimons les nuages pour leur fantaisie sans cesse mouvante et pour les jeux que fait à travers eux la lumière, mais l’impression qu’ils produisent sur nous est sans vertige ; à des hauteurs qui nous restent inconnues, ils flottent, sans liaison avec notre sol.
Un arbre, au contraire, emprisonne dans ses ramures une quantité bien définie de l’espace; un clocher nous en fait connaître davantage; les montagnes sont les plus grands clochers de la terre. Elles nous émeuvent par l’excès même d’une continuité à laquelle nos sens ne sont pas habitués.
Par une transition insensible, de repère en repère, notre regard s’élève vers des régions encore terrestres, mais retranchées dans l’inaccessible, voilées par des couches d’air de plus en plus bleues. Étonnée par le spectacle de ces dimensions si différentes de la sienne, notre petitesse humaine croit découvrir en elles une image de l’infini.
Les monts ne sont pas l’infini mais ils le suggèrent. On les a confondus avec l’altitude; autant confondre l’âme et ses visages, la vérité et ses témoignages.
Bien peu ont su dépasser les indications grossières de leurs sens, entendre le silence, voir l’invisible.
C’est la perception de l’abîme sans contours qui a fait jeter à Pascal son cri d’effroi.
Plus près de nous, Mallarmé devient d’une clarté tragique si nous lui prêtons un sentiment de l’altitude, aigu jusqu’à la souffrance et au vertige. Il connaît tout d’instinct : le silence musical, la lumière sombre, les noces de la neige et de l’azur; il rêve de pureté et de stérilité, de métaux polis et de cristaux, de pierreries, de gel.
Sa poésie est un diamant noir.
Tel est le monde de l’altitude que nous avons cherché, reconnu, en escaladant les plus hautes montagnes.
Souvent nous en avons goûté la saveur. Il en est resté au plus profond de nous une inguérissable nostalgie. Qui une fois a connu l’altitude en reste hanté.
Toute notre jeunesse fut troublée par un appel mystérieux qui n’était pas celui de l’amour. Parfois, il s’éveillait en nous comme une impatience vivace à la vue d’un pêcher en fleurs, d’un ciel étoilé ou bien lorsque le hasard des vents nous jetait un souffle d’air glacé au visage.
Nous pressentions un monde inconnu, celui des horizons immenses et de la liberté. Les premiers glaciers que nous vîmes ne nous causèrent aucune surprise; rien ne pouvait être de nous plus attendu que cette fête de lumière, que cette altitude bleue dont la vérité nous était enfin confirmée par les apparences sensibles de la haute montagne.
Depuis le jour déjà lointain de cette rencontre entre notre rêve et le réel, l’altitude nous est devenue familière.
Par une persévérance attentive, par une longue série d’observations et de confidences, nous avons appris à connaître les signes par lesquels elle se manifeste.
Que de l’union mystérieuse des mots naisse la réalité de ce qui ne saurait être décrit.
Lorsque notre sang bat dans nos tempes ; lorsque l’air glacé dessèche notre gorge et pénètre au plus profond de nous-mêmes comme un fluide infiniment précieux et vivifiant ;
Lorsque nous n’avons plus faim, mais soif et que tout nous devient effort, geste ou pensée; lorsque le froid est tel que le piolet colle à nos mains et que les horizons sont embués par nos larmes ;
Lorsque la surface de notre terre nous apparait comme un visage vivant, mais comme le visage ravagé d’une créature qui aurait beaucoup souffert ;
Lorsque d’un seul coup d’œil, nous découvrons les déchirements et les blessures anciennes, les alliances compliquées des chaînes, l’union ou le divorce des eaux ;
Lorsque toute vie animale ou végétale est absorbée dans le creuset gigantesque ;
Lorsque, du fond des vallées, s’élève et meurt à nos pieds la grande voix géologique, la plainte immense de la terre, faite des mille bruits d’en bas, bruits de l’érosion, de l’eau et du vent ;
Lorsque nous sentons que cette plainte, épuisée par sa longue ascension, est incapable d’entamer le grand silence supérieur;
Lorsque la perfection même de ce silence est telle qu’elle blesse nos sens ;
Lorsque nous percevons comme un frissonnement de l’espace ;
Lorsque les astres nous apparaissent en plein jour ;
Lorsque la lumière native glisse d’un infini transparent et noir, lumière obscure comme une lumière qui aurait perdu son reflet;
Lorsque cette lumière pénètre directement nos yeux sans les blesser ; mais lorsque la première neige nous réfléchit cette même lumière avec une violence à nous rendre aveugles;
Alors, nous reconnaissons l’ALTITUDE »
Voilà de ma part , Maud , un humble compliment dans lequel vous aurez sans doute reconnu les émotions ressenties durant votre ascension !
En vous souhaitant pleine réussite dans vos prochaines courses en haute altitude , je vous assure de toute ma plus cordiale sympathie !
Philippe Clément-Béal .