Sanvignes, « Liberté, égalité, Beaucaire » scène d’une vie engagée
Isabelle Beaucaire : quand une femme libre met l’insertion sociale à l’honneur
Ce mercredi 21 mai s’est tenue une cérémonie très émouvante au tiers lieu le Liberty à Sanvignes. Le départ d’Isabelle Beaucaire de la Régie des quartiers du bassin minier. Sanvignarde née à Sanvignes, Isabelle va d’abord prendre des congés et ensuite une retraite bien méritée. Départ pour une nouvelle vie d’une dirigeante qui a fait régie de tout cœur.
C’est Marie-Pierre Filleux, la présidente de la RQBM, qui préside la cérémonie et fait le discours d’introduction avant celui d’Isabelle. Et ce n’est pas tâche facile face à un aréopage d’élus, de représentants d’associations, d’entreprises, de financeurs. Mais le sujet nécessitait au minimum un discours de la teneur de celui de la présidente, qui parla autant en responsable de cette entreprise d’insertion qu’en qualité d’amie. Toutes et tous séchèrent une larme à la fin du discours.
Voici la synthèse du discours aussi vivant et vibrant qu’inspirant de Marie-Pierre Filleux, présidente de la Régie des Quartiers du Bassin Minier (RQBM).
Isabelle Beaucaire : une dirigeante qui conjugue l’humain, le social et l’économique avec brio. C’est quelqu’un qui accueille la vie comme à la réception d’un grand hôtel, mais avec le cœur en bandoulière. Marie-Pierre Filleux a rappelé comment elle avait connu Isabelle Beaucaire. Venant à une réunion, elle a trouvé une femme qui s’escrimait avec un vidéoprojecteur rétif, sans s’énerver, avec une patience infinie. Le courant a tout de suite passé. D’ailleurs, « je suis devenue présidente parce qu’Isabelle était directrice », a-t-elle déclaré en ouverture, résumant avec humour et tendresse la trajectoire d’une femme qui a transformé l’art de l’accueil en levier d’émancipation sociale.
Isabelle Beaucaire ne se résume pas à ce que l’on voit d’elle, pas à ses fonctions et son rôle éminent de directrice de la RQBM depuis 15 ans, non… elle est multiple, protéiforme. Car, avant de devenir une figure incontournable de l’insertion professionnelle, Isabelle Beaucaire a fait ses armes dans l’hôtellerie. Du Novotel au Confortel, de Dijon à Strasbourg en passant par Villeneuve-d’Ascq, elle gravit les échelons avec méthode et charisme, jusqu’à diriger plusieurs établissements. Une décennie d’expérience où elle affûte ses talents de gestion, son sens du relationnel… et une patience à toute épreuve (surtout pendant les week-ends de check-out complet).
Mais c’est en 1995 qu’elle opère ce qui peut être qualifié de « grand check-in vers l’essentiel » : l’accompagnement des autres. Formatrice, cadre dans la formation professionnelle, puis directrice d’une structure d’insertion, elle s’impose dans ce secteur avec la même rigueur et la même humanité que dans ses précédentes fonctions, à une différence près : ici, elle ne distribue pas de clés de chambre, mais des clés d’avenir.
Depuis 2010, elle est à la barre de la RQBM. Et sous sa direction, la régie a connu une véritable transformation stratégique. L’agrément « Entreprise d’Insertion », obtenu en 2018, en est l’un des marqueurs forts. Plus qu’un label, c’est une reconnaissance nationale du travail de fond mené sur le terrain, chaque jour, auprès de celles et ceux qui cherchent à rebondir.
Mais Isabelle Beaucaire ne s’est pas contentée de faire rayonner la RQBM localement. « Elle a donné à notre régie une voix qui porte, bien au-delà du Bassin Minier », souligne la présidente. Co-animation de webinaires, partage de bonnes pratiques, reconnaissance du ministère du Travail… Elle devient, sans jamais se mettre en avant, un repère dans le secteur de l’économie sociale et solidaire.
Et si la RQBM est aujourd’hui en grande partie autofinancée (près de 75 % des ressources proviennent de ses activités : rénovation, entretien, services à la personne, etc.), c’est aussi grâce à sa vision : l’insertion ne doit pas dépendre, elle doit entreprendre. Une philosophie concrète, incarnée. Et cela se voit dans l’évolution du budget de la RQBM qui a été multiplié par au moins dix. Cela se voit aussi dans le nombre d’agents et le nombre de personnes en insertion. Une réelle expansion solide et solidaire.
À tout cela s’ajoute un engagement personnel que peu connaissent : Isabelle est aussi comédienne bénévole depuis 1998 au sein de la troupe des « Joyeux Lurons » à Sanvignes-les-Mines. « Elle manie aussi bien la réplique de boulevard que le budget prévisionnel. » En fait, elle a débuté à la RQBM comme directrice, comptable, hôtesse d’accueil, femme de ménage, tondeuse de pelouse plaisante, Marie-Pierre Filleux. Une touche de légèreté pour rappeler que, même au cœur du social, l’humain a besoin de rire et de jouer.
En conclusion, on peut résumer ainsi les mots de la présidente :
Isabelle ne dirige pas une régie. Elle pilote un projet de territoire. Chaque chantier, chaque parcours, chaque embauche est une victoire. Une mélodie sociale dont elle est la cheffe d’orchestre discrète mais infatigable.
Sous sa direction, la RQBM n’est pas seulement un outil de réinsertion. C’est une fabrique d’avenir, un espace où l’on redonne confiance, dignité et perspectives. Et ça, ça vaut bien plus que toutes les étoiles d’un hôtel de luxe.
Isabelle Beaucaire reprend elle aussi son parcours professionnel, liant sa personnalité à son éducation, aux valeurs familiales, aux rencontres qu’elle a faites. Elle rappelle les trois présidences de la RQBM avec beaucoup d’émotion et de tendresse. Elle parle de sa famille, de ses douleurs de mère privée de son enfant, de ses sœurs et de son frère, de ses neveux et nièces et de sa petite fille de cœur qui lui adresseront un coucou surprise par vidéo, de son père qui lui manque depuis 40 ans et de sa mère qui lui a inculqué les valeurs qui l’ont faite. Ensuite, elle s’adresse avec tendresse et empathie à chacun des membres de son équipe, à chacune des personnes en insertion. Bien des mouchoirs sortent. Puis l’ensemble de ses salariés lui lit un texte et lui chante ses louanges sur l’air de la chanson de Florent Pagny « et un jour une femme », en lui offrant des fleurs et un cadeau. Moment très émouvant plein d’humour également. Comme l’a dit Marie-Pierre Filleux, « elle a surement des défauts », mais ce n’était pas noté sur les fiches des intervenants, alors ceci ne nous regarde pas.
Cette cérémonie s’est terminée par un verre de l’amitié somptueux et très convivial sur la terrasse du Liberty. Lieu de circonstance pour une femme qui a fait de sa liberté un moteur pour l’offrir aux autres.
Gilles Desnoix