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samedi 6 août 2011 à 08:53

« Plus fort que le Monopoly, les privatisations de nationales ! »

Par Nicole Eschmann, vice-présidente EELV Conseil régional de Bourgogne



« Jacques Chirac, chef de gouvernement de cohabitation en 1986, a commencé par pure idéologie, par dénationaliser ce qui avait été nationalisé en 1981 ; en deux ans, il privatise pour 100 milliards de francs d’actifs publics ; Balladur pour 114 milliards en 93-95; Juppé pour 40 milliards en 96-97 ; Jospin pour 210 milliards en 5 ans, obligé de mettre en application les contrats passés par le précédent gouvernement. Avec Raffarin, on passe à 13 milliards d’euros en 3 ans. Villepin privatise partiellement les autoroutes, GDF, EDF, SNCM, les constructions navales et aéroports de Paris.



D’après des études de chercheurs de l’Université de Bourgogne, la « privatisation n’induit un effet positif significatif sur la performance que pour un faible nombre d’entreprises ». La privatisation s’est le plus souvent traduite par un désastre, et plus encore pour les usagers que pour le personnel. Le journal The Economist, pourtant favorable aux privatisations, reconnaissait, en 1999, que « la privatisation est un catalogue de cynisme politique, d’incompétence managériale et d’opportunisme financier.


Elle a coûté des milliards de livres aux contribuables et fait perdre des milliards d’heures à ses utilisateurs ». Menée sans relâche depuis 25 ans, elle a par contre permis aux nantis d’empocher chaque année, à la place de l’Etat, les revenus de toutes ces entreprises publiques et d’en augmenter considérablement le coût pour les usagers. De l’argent frais en quantité à réinvestir pour les investisseurs, une dette publique en augmentation chaque année, explosant depuis 2007 avec les multiples défiscalisations, aides aux entreprises, et bouclier fiscal. Une dette publique créant des revenus supplémentaires aux nantis.



Mais il arrive un moment, aujourd’hui, comme au Monopoly, où assis sur son tas d’or, l’angoisse survient. Pourvu que mon capital ne se dévalue pas (la Banque Centrale Européenne est là uniquement pour veiller à ce qu‘aucune inflation ne vienne rogner le capital), que je trouve à le réinvestir (les banques, même mutualistes, ont mondialisé et « paradis-fiscalisé » leurs placements), que je bénéficie des taux les plus élevés (les traders sont scandaleusement rémunérés pour jouer avec l’argent des autres, et quand ils perdent, ce sont les contribuables qui remboursent), que je ne « rende » pas trop de TVA, pas trop d’impôts, pas de frais de successions, que je me « niche fiscale »… Sarkozy, élu et missionné pour cela par la bande du Fouquet’s a amplement réussi sa mission, quoi qu’en médisent certains.



Il arrive un moment, aujourd’hui, comme au Monopoly, où après la vente de presque tous les « bijoux de famille » de l’Etat (entreprises publiques, immobilier, réserves d’or…), on se demande ce qu’on peut encore acheter à l’Etat. En l’état, plus rien, car il ne reste que des secteurs performants et chers au cœur des français, comme la santé et l’éducation. Qu’à cela ne tienne, saccageons les hôpitaux et les écoles pour qu’ils ne fonctionnent plus, que les français aisés s’en détournent pour les cliniques et écoles privées, les autres finiront bien par les suivre. Au passage, quelques cadeaux aux petits copains, sous forme de Médiator, de vaccin H1N1, d’indemnités d’arbitrage de 400 millions pour un seul homme … Sarkozy a encore amplement réussi sa mission.



Mais l’avidité est par nature insatiable. Que reste-t-il à vendre, jusqu’en 2012 ? Plus fort que le Monopoly, la privatisation des routes  nationales ! Ce qu’on aurait pris pour un mauvais poisson d’avril , devient réalité : l’État cède des tronçons de routes nationales, la RN154 entre Dreux et Chartres, la RN205 qui relie l’A40 au tunnel du Mont-Blanc, la RN126 Castres-Toulouse, la RN10 dans les Landes. Dernière en date : la RCEA mise en concession entre Montmarault et Mâcon/Chalon-sur-Saône. Pour seule justification, le sang et les larmes d’une supposée insécurité routière.



Sans itinéraire de substitution, cette décision constitue une grave entrave à la liberté de circulation. Mais sans itinéraire de substitution, c’est le jackpot de la meilleure rentabilité !  A l’assemblée, NKM n’a-t-elle pas réalisé la bombe qu’elle avait lâchée : «De plus en plus d’élus me demandent des mises en concession sur des itinéraires qui n’ont pas de trajet alternatif».



Est-ce la peur de perdre le pouvoir en 2012, ou sont-ils si berlusconisés qu’ils ne voient plus , dans les yeux de leurs concitoyens, l’indécence révoltante de leurs décisions et de leurs spoliations ? »


Nicole Eschmann

Vice-présidente EELV Conseil régional de Bourgogne





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3 commentaires sur “« Plus fort que le Monopoly, les privatisations de nationales ! »”

  1. Daniel Z dit :

    Bonjour Madame.

    Comme je suis de votre avis…. Et comme je suis curieux, j’ai cherché à savoir qui avait privatisé quoi .

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Privatisations_en_France

    «  » » … en 1986-1988, le gouvernement Chirac avait vendu pour 100 milliards de francs (valeur 1999) d’actifs publics.

    M. Balladur : sur la période 1993-1995 aurait rapporté 114 milliards de FF en 3 ans…

    M. Juppé : L’ensemble des privatisations sur la période 1995-1997 aurait rapporté 40 milliards de FF en 18 mois

    M. Jospin : L’ensemble des privatisations sur la période 1997-2002 aurait rapporté 210 milliards de Francs Français en 5 ans. La plupart de ces privatisations n’étaient qu’une mise en application de contrats préparatoires passés par le précédent gouvernement

    M. Raffarin : L’ensemble des privatisations sur la période 2002-2005 aurait rapporté 13 milliards d’EUR en 3 ans. «  » » »

    Je retiens donc que c’est sous un G.V. socialiste que la vente des « bijoux de famille » a été la plus importante, révélant soit un accord sur le principe, soit une incapacité à agir. Dans les deux cas …..

    Amicalement

  2. scania dit :

    c est incroyable qu une elue verte soit contre une mesure juste : le pollueur payeur.
    celui qui ne veut pas payer , ne roule pas et ne pollue pas . C est un peu ce que vous nous rabachez à longueur d année, non ?
    sauf que là c est politiquement porteur alors on fait comme les copains, on s y engouffre .

  3. GRACQUE dit :

    Bonsoir Madame,

    Je partage assez votre analyse de fond, seul bémol que j’introduirais est la privatisation a été un élément de gestion largement partagée par la droite et la gauche (cf commentaire de Daniel Z).

    Par contre, ce qui m’intéresse c’est la position de EELV en 2012 en cas de victoire d’un candidat de gauche : serez vous partisan de nationalisations, et si oui, merci de m’indiquer le mode du financement de ces rachats.

    Merci de votre réponse.

    Cordialement.