« Les mensonges nucléaires de M. Proglio, patron d’EDF »
Dit Nicole Eschmann, vice-présidente EELV du Conseil régional de Bourgogne en charge des lycées
« Nos responsables politiques et économiques, pour prévenir toute réflexion sur le nucléaire, multiplient les annonces plus aberrantes les unes que les autres: la sortie du nucléaire coûterait 750 milliards d’euros selon Eric Besson, multiplierait le prix de l’électricité par 4 selon Nicolas Sarkozy et mettrait en péril 1 million d’emplois selon Henri Proglio. Venant du patron d’EDF, on ne peut qu’être atterré par ses mensonges objectivement indéfendables.
Comment perdre 1 million d’emplois dans le nucléaire alors qu’Areva n’en fournit que 125000 ?
En annonçant la perte d’un million d’emploi en cas de sortie du nucléaire, M. Proglio mélange allègrement emplois nucléaires directs, indirects et induits, emplois industriels, hypothétiques emplois futurs pour le développement à l’étranger : Areva annonce 125000 emplois directs et 239 000 en tout avec les sous-traitants dans la filière nucléaire. En ce qui concerne les 100.000 emplois qui proviendraient, selon M. Proglio, du futur développement du nucléaire à l’étranger, le chiffre est grossièrement mensonger : seule la conception aurait en partie lieu en France, quelques centaines d’ingénieurs au maximum seraient concernés. En comparaison, les énergies renouvelables (EnR) créent six fois plus d’emploi en Allemagne que le nucléaire français, par unité d’énergie produite. C’est la transition énergétique avec sortie du nucléaire qui est source d’emplois (+ 500 000 emplois nets au moins dans la rénovation du bâti et dans les énergies renouvelables), pas l’inverse.
M. Proglio dénonce une potentielle destruction de « 500 000 emplois industriels » collatéraux, une baisse de compétitivité et une augmentation consécutive du prix de l’électricité : or, en Allemagne, le prix de l’électricité est plus élevé et pourtant le tissu industriel y est bien plus solide, moderne, plus électrifié mais de manière plus performante et plus économe qu’en France: la base de donnée STAN de l’OCDE indique 1,5 fois plus d’emplois industriels en Allemagne qu’en France, et bien plus dans les électro-intensifs : 2,1 fois plus d’emplois dans le papier, 3,7 dans la chimie hors pharmacie, 2,5 dans l’acier, 3,9 dans les métaux non ferreux… Pour EELV, il faut miser sur l’innovation dans les process et sur l’efficacité énergétique de la production.
Il ne s’agit en aucun cas de « tuer » la filière nucléaire : en cas de sortie, celle-ci aura encore pour longtemps besoin de nombreux emplois qualifiés, que ce soit pour l’exploitation et la maintenance ou encore pour le développement d’un pôle d’excellence en matière de gestion des déchets et démantèlement des réacteurs. Pour EELV, cette excellence est attendue au niveau international d’autant qu’on ne sait pas encore démanteler les centrales arrêtées, certaines depuis 25 ans.
Le coût de sortie du nucléaire serait insupportable? Inférieur à celui de son maintien !
M. Proglio affirme que sortir du nucléaire « se traduirait par un doublement de la facture d’électricité ». Pour agir sur la facture, il est nécessaire de réaliser des économies d’énergie, seule voie d’avenir, ce que les électriciens n’envisagent pas. Une preuve en est qu’en Allemagne, un ménage consomme 25% de moins d’électricité qu’un ménage français pour un même confort (hors chauffage afin que la comparaison soit honnête, sachant que le chauffage électrique est interdit dans les autres pays et encouragé contre toute rationalité dans le nôtre). Si on envisage sérieusement une transition énergétique, c’est-à-dire en incluant des économies d’énergie, la facture finale des ménages et des entreprises sera plus faible d’au moins 10% en cas de sortie du nucléaire par rapport au maintien du nucléaire.
M. Proglio affirme aussi que la sortie du nucléaire « impliquerait un investissement de 400 milliards d’euros pour remplacer le parc existant par des moyens de production alternatifs » : un raisonnement d’une malhonnêteté intellectuelle incroyable : toutes les études prospectives – y compris celles pilotées par le lobby nucléaire – montrent qu’il faudra investir à peu près autant pour le maintien que pour la sortie du nucléaire. Une étude réalisée par Benjamin Dessus, conclut que la sortie du nucléaire impliquerait des investissements de 10 à 15% inférieurs au maintien du nucléaire En revanche, l’incertitude liée au coût du nucléaire est bien plus importante que l’incertitude liée aux EnR, sans évoquer le risque d’un accident majeur et les dégâts humains, matériels et environnementaux associés.
M. Proglio fanfaronne: « Nous construisons deux EPR en Chine et nous allons en construire deux autres en Grande-Bretagne. » Totalement faux : le programme nucléaire au Royaume-Uni est suspendu. L’EPR est une catastrophe industrielle : connait-on un autre investissement qui ait doublé son coût initial et son délai de réalisation et qui ne soit pas arrêté ? le coût de production de l’électricité à la sortie de l’EPR est évalué au minimum de 75 à 80€/MWh, c’est-à-dire le coût de l’éolien. Le nucléaire de l’EPR n’est pas plus compétitif que les EnR. Les trois autorités de sûreté nucléaire britannique (HSE), finlandaise (STUK) et française (ASN) ont fait une déclaration commune le 2 novembre 2010 relative à un problème de conception de l’EPR et depuis, aucune de ces trois autorités n’a encore approuvé l’EPR. Le risque existe, au regard des écarts de construction et de problèmes de mauvaise conception, que les investissements à venir (plus de 3Mds€) soient réalisés en pure perte.
Les émissions de gaz à effet de serre exploseraient ? Impossible avec les permis d’émission limités !
M. Proglio prévient enfin que « cela augmenterait probablement de 50% les émissions de gaz à effet de serre à cause de l’utilisation du charbon, du gaz et du pétrole pour remplacer le nucléaire ». M. Proglio ne peut ignorer que le secteur de l’électricité est sous contrainte des « permis d’émission » européens (quotas carbone) en nombre limité : si les électriciens veulent émettre plus pour produire l’électricité, ils devront acheter des quotas à d’autres industriels qui eux réduiront leurs émissions. Cette demande aura un effet à la hausse sur les prix des quotas, favorisant ainsi l’innovation dans les réductions d’émissions. En revanche, d’un point de vue environnemental, strictement aucun effet ne peut être observé.
M. Proglio annonce qu’aux Etats-Unis, les centrales « ont été prolongées jusqu’à 70 ans et on parle même de les prolonger de 10 voire 20 ans de plus » Diable, elles auraient donc été construites en 1941, avant la première bombe atomique ? Sérieusement, les centrales françaises ont été initialement conçues pour 30 ans de durée de vie : il leur faudrait donc obtenir 4 autorisations successives de prolongation de 10 ans, , sachant que toutes les pièces d’une centrale ne peuvent être remplacées ou modernisées, dont certains éléments au cœur du système !
Ce serait la fin de notre indépendance énergétique ? plutôt de notre dépendance !
Quant aux menaces de black-out et au couplet sur notre indépendance énergétique : la France importe la totalité de son uranium. La France est exportatrice nette d’électricité , mais elle vend de l’électricité à faible valeur ajoutée (en heures creuses) et importe de l’électricité à haute valeur ajoutée (en période de pointe). Si la France était réellement indépendante, la facture des importations énergétiques françaises ne s’élèverait pas en 2011 à environ 70 milliards d’euros, soit autant que le déficit commercial de la France.
En conclusion, il est impossible de construire un échange démocratique serein et éclairé dès lors que l’une des parties s’autorise à mentir sans vergogne et à manipuler les données.
EELV demande que le débat relatif à l’avenir énergétique de la France, écarté du Grenelle, soit enfin mené.
EELV appelle la presse à jouer son rôle de vérification des faits afin de permettre l’émergence d’une discussion constructive sur l’avenir énergétique, environnemental, économique et social de la France et de l’Europe« .