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vendredi 1 août 2025 à 05:57

Espagne : l’exception économique européenne qui défie les pronostics ?

    Croissance, emploi, services publics : quand Madrid choisit le social pour relancer l’économie – et ça marche ?



 

 

Paradoxalement au marasme ambiant en Europe, l’Espagne affiche une santé économique insolente. Croissance vigoureuse, revalorisation spectaculaire du SMIC, système de santé accessible et investissements publics massifs font de Madrid une anomalie dans la zone euro. Une trajectoire qui interroge et inspire. L’Espagne, on la connait bien dans le bassin minier et moult descendants d’Espagnols forment une partie de la population minière. C’est donc un sujet qui passionne ou pour le moins interpelle.

Alors que l’Allemagne frôle la récession, que la France cale à 1 % de croissance, et que l’Italie lutte contre sa dette chronique, l’Espagne avance, presque à contre-courant. En 2023, elle a enregistré une croissance du PIB de 2,5 %, une performance rare en Europe, et affiche des prévisions optimistes pour 2024. En toile de fond, un cocktail étonnant : relance sociale, investissements publics, hausse massive du salaire minimum et réformes du travail assumées.

Un rebond post-Covid spectaculaire

L’économie espagnole bénéficie d’un effet rebond plus marqué que chez ses voisins, en partie grâce à la reprise du tourisme (près de 85 millions de visiteurs en 2023), mais aussi grâce à une politique volontariste de soutien à la demande et à l’investissement. En parallèle, la consommation intérieure repart, tirée par une mesure phare : la revalorisation continue du salaire minimum interprofessionnel (SMI).

Celui-ci a bondi de 735 € à 1 134 € bruts mensuels en six ans, soit +61 % depuis 2018. Une rupture franche avec l’austérité des années 2010. À titre de comparaison, le SMIC français a progressé de 16 % sur la même période.

Contrairement aux craintes patronales, cette hausse ne semble pas avoir freiné l’emploi. Au contraire : les créations de postes sont dynamiques, et la réforme du droit du travail adoptée en 2022 a encouragé les contrats stables (CDI) au détriment des contrats précaires – longtemps la norme dans des secteurs comme la construction ou l’hôtellerie.

Une gestion efficace des fonds européens

Madrid ne doit pas cette embellie à sa seule politique nationale. L’Espagne est le premier bénéficiaire du plan européen de relance NextGenerationEU, avec plus de 140 milliards d’euros, dont 77 milliards de subventions. Là où la France peine à débloquer ses fonds et à les affecter, les agriculteurs en savent quelque chose : en Saône-et-Loire, en région Bourgogne-Franche-Comté nombre d’entre eux attendent toujours et encore, l’Espagne les absorbe rapidement : rénovation énergétique, déploiement de l’éolien, numérisation de l’administration, transports durables…

Cette capacité à mobiliser les ressources européennes tout en maintenant une politique budgétaire expansive confère à l’Espagne une rare marge de manœuvre, malgré un endettement supérieur à 110 % du PIB. La France accuse un 114 %, l’Italie 137,90 %, l’Allemagne 62,30 %.

 

Un système de santé universel… et plus équitable qu’on ne le pense

Autre différence notable avec la France : le système de santé espagnol, le Sistema Nacional de Salud (SNS), est entièrement public et universel, financé par l’impôt. Chaque citoyen a droit à des soins hospitaliers gratuits, et les consultations médicales sont en grande partie prises en charge. Seuls les médicaments nécessitent un ticket modérateur, modulé selon le revenu.

Avec environ 9,3 % du PIB consacré à la santé (contre 11,3 % en France), le système espagnol apparaît moins coûteux mais très efficace. Il repose sur un principe simple : l’accès aux soins ne dépend pas du statut ou du revenu, et le tiers payant est généralisé dans les structures publiques.

Néanmoins, tout n’est pas parfait : les inégalités régionales sont criantes, du fait de la décentralisation. Certaines communautés autonomes, comme la Catalogne ou Madrid, offrent une qualité de soins bien supérieure à celle d’Andalousie ou d’Estrémadure. Mais la crise du pouvoir d’achat frappe moins fort qu’en France, où même les classes moyennes peinent à se soigner sans mutuelle privée.

Un projet social-démocrate affirmé

Depuis l’arrivée au pouvoir de Pedro Sánchez et la formation d’un gouvernement de coalition avec Sumar (ex-Podemos), l’Espagne a pris une orientation résolument sociale-démocrate : hausse des pensions, encadrement des loyers, réformes du congé parental, investissements dans la transition écologique…

À contre-courant de la rigueur budgétaire, Madrid assume une relance par la demande dans un pays longtemps miné par la précarité. Et malgré une instabilité politique persistante – élections anticipées, tensions entre partis, montée de l’extrême droite –, les grandes orientations économiques sont maintenues, preuve d’une certaine cohérence gouvernementale.

Un modèle encore fragile

Tout n’est pas rose : l’Espagne conserve l’un des taux de chômage les plus élevés d’Europe (plus de 11 %), une économie très dépendante du tourisme et un marché du travail dual, avec des inégalités persistantes. Mais la dynamique actuelle tranche avec la stagnation des autres pays du sud de l’Europe. L’Italie peine à réformer, la Grèce reste fragile, le Portugal progresse mais sur une base plus modeste.

Et la France dans tout ça ?

Comparée à l’Espagne, la France semble figée : croissance molle, blocage des réformes structurelles, contestation sociale chronique, dette publique en hausse. Les politiques redistributives, si elles existent (boucliers tarifaires, revalorisation du RSA), sont souvent technocratiques, ciblées et peu lisibles, là où l’Espagne agit sur des leviers universels comme le SMIC, l’emploi stable et les services publics.

Une leçon ibérique pour l’Europe ?

Loin du miracle, le cas espagnol est celui d’un pari assumé : faire du progrès social et des services publics les moteurs d’une relance économique durable, tout en gardant un cap européen. Une stratégie qui tranche avec l’austérité passée, et qui redonne espoir à une population longtemps frappée par la crise.

Alors que la France et l’Allemagne cherchent leur second souffle, l’Espagne, elle, trace sa voie. Reste à savoir si elle pourra l’inscrire dans la durée.

L’Espagne étonne, interroge, parfois inspire. Dans un contexte européen morose, elle incarne une autre voie, celle d’un volontarisme social assumé, avec ses réussites et ses fragilités. Croissance soutenue, hausse du SMIC, politique d’investissement public… autant de choix qui contrastent avec les hésitations françaises ou les rigueurs allemandes.

Alors, modèle à suivre ou exception passagère ? À chacun de se forger son opinion, aux lecteurs de Montceau News de faire leur analyse. Montceau News, on a donné les clés.

 

 

Gilles Desnoix

 

 

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Un commentaire sur “Espagne : l’exception économique européenne qui défie les pronostics ?”

  1. citoyen du monde dit :

    A paris on fait le contraire.