Suppression des boîtes aux lettres postales en France
Ruralité : la lettre de trop, la Poste s’éloigne
Depuis le début de l’année 2025, La Poste a supprimé plus de 6 300 boîtes aux lettres jaunes, soit plus de 5 % du parc national, selon les données ouvertes exploitées dans une question parlementaire du député Bastien Lachaud. Cela représente un rythme d’environ 25 suppressions par jour, qualifié d’« inédit » par les observateurs.
Les élus locaux, les utilisateurs sont vent debout contre cette procédure souvent très discrète. Pour justifier cette manière de procéder la Poste invoque plusieurs facteurs : la chute massive du volume de courrier, en baisse continue depuis plus de dix ans (prétexte qui sert aussi pour l’augmentation du prix des affranchissements), le coût élevé d’entretien de boîtes très peu utilisées, comme l’avait déjà relevé la Cour des comptes, et la mise en place d’une stratégie visant à concentrer les points de collecte autour de lieux plus fréquentés (bureaux de poste, commerces partenaires).
De nombreux élus, notamment des maires ruraux, jugent ces retraits réalisés sans concertation locale et source d’inégalités territoriales, les habitants devant parfois parcourir plusieurs kilomètres pour poster une simple lettre.
À cela s’ajoute un enjeu symbolique : la disparition progressive des boîtes jaunes est vécue comme un recul du service public de proximité.
En Saône-et-Loire, une question écrite au Sénat signale une réduction significative du parc, notamment dans les petites communes rurales. Un cas a été rapporté à Farges-lès-Chalon, où la suppression d’une boîte a suscité l’incompréhension du maire.
À Montceau-les-Mines, aucune source vérifiée ne documente pour l’instant une vague de suppressions aussi marquée. Plusieurs boîtes sont encore actives, mais l’absence de données fines ne permet pas d’exclure des retraits ponctuels.
Nous vivons donc là une autre fracture territoriale et sociale.
Il faut, en effet, rappeler qu’une part importante de la population utilise encore le courrier papier et dépend du courrier postal pour s’adresser aux administrations, qui continuent pour beaucoup d’exiger ou d’envoyer des documents papier. Que cette fraction des Français vit dans des zones où le bureau de poste le plus proche est distant ou n’ouvre que quelques jours par semaine et subit déjà une fracture numérique. Pour ces publics, la disparition d’une boîte à lettres n’est pas un simple détail, mais une perte d’accès à un service essentiel. La Poste procède à ces retraits alors même que ces publics sont les moins consultés et les plus dépendants de l’infrastructure physique.
Une fois que l’on a fait le constat, on doit se demander quelles alternatives existent quand une boîte est supprimée. Il existe certaines solutions, mais aucune ne remplace totalement l’accessibilité simple et universelle d’une boîte jaune.
En premier, on peut déposer son courrier dans sa propre boîte aux lettres (collecte par le facteur). C’est un service traditionnel mais peu médiatisé. Le principe est simple, il suffit de déposer son courrier affranchi dans sa propre boîte aux lettres (normalisée PTT) : le facteur le collecte lors de la tournée. Cela présente des avantages car ça ne nécessite pas de déplacement, il n’y a pas besoin d’outil numérique, le coût est identique au dépôt à la poste ou en boîte jaune. C’est une solution adaptée aux personnes âgées, isolées ou éloignées.
Il y a aussi des limites. On ne peut envoyer de recommandés ou d’envois volumineux. Le service est non formalisé, il dépend des tournées, et n’est pas garanti partout. De plus les tournées sont parfois réduites à 3 jours/semaine dans certains territoires.
En second, on trouve la lettre en ligne, il s’agit de l’envoi d’un courrier via internet, imprimé par La Poste et distribué comme un courrier classique. Les avantages tombent sous le sens, pas de déplacement, recommandés possibles. Mais les inconvénients sont à l’avenant car cela nécessite une maîtrise numérique, ça a un coût plus élevé (lettre simple souvent > 2,50 €). Le public concerné se trouve surtout parmi les usagers à l’aise avec le numérique.
Sinon vous écrivez ou imprimez chez vous et allez déposer de façon traditionnelle dans une boîte postale pas trop éloignée, mais au rythme où la Poste les supprime, vous aurez de plus en plus de trajets à effectuer.
La suppression accélérée des boîtes aux lettres en France répond à une logique économique et à la baisse du volume de courrier. Mais elle s’effectue à un rythme inédit, parfois sans concertation locale, et accentue une fracture territoriale et sociale dans un pays où des millions de personnes utilisent encore le papier, où l’accès numérique reste inégal, où les bureaux de poste s’éloignent.
Des solutions alternatives existent mais aucune ne garantit la simplicité, la neutralité, l’égalité d’accès et la visibilité qu’assurait la boîte jaune. La Poste promet que tout ira bien, que d’autres solutions existent, que chacun s’y retrouvera. Mais au rythme où disparaissent les boîtes jaunes, une évidence s’impose : aucun territoire n’est à l’abri, pas même ceux dont l’identité repose sur une histoire ouvrière et solidaire comme le bassin minier de Montceau-les-Mines.
On retire une boîte ici, une autre là, “là où ça gêne le moins”. Jusqu’au jour où même poster une simple lettre devient un parcours du combattant.
À ce rythme-là, bientôt, ce ne sera plus seulement le courrier qui se perdra : c’est l’idée même de service public qui risque de ne plus avoir d’adresse.
Gilles Desnoix



Un commentaire sur “Suppression des boîtes aux lettres postales en France”
» la Poste promet « , oui, mais c’est encore un échelon de plus dans la dégringolade !!!