CODEF (Collectif des Usagers des hôpitaux)
"Il est urgent de s’en préoccuper !"
Communiqué :
« Lucas, 25 ans, a été retrouvé mort, après des heures d’attente aux urgences de Hyères (Var). Josiane, 66 ans, est décédée dans les couloirs des urgences de l’hôpital d’Eaubonne (Val d’Oise). Plusieurs familles de patients ont porté plainte récemment pour « non assistance à personne en danger ».
« On peut mourir à l’hôpital, oui », a concédé le ministre délégué à la Santé, vendredi 16 février Frédéric Valletoux, sur france info. « Une enquête est en cours, elle dira, si des défaillances il y a eu, d’où elles viennent ».
« Le service des urgences, c’est le service public qui a vu sa fréquentation doubler […], il y avait 10 millions de passages aux urgences il y a une douzaine d’années, on est à plus de 21 millions aujourd’hui », a affirmé le ministre délégué. Vrai ou faux ? C’est faux, Frédéric Valletoux se trompe dans les chiffres. Si l’on se réfère aux données de la Drees, le service statistiques du ministère de la Santé, on comptabilisait 18,7 millions de passages aux urgences il y a une douzaine d’années, en 2012.
Aujourd’hui, d’après les derniers chiffres publiés, en 2021, nous sommes à 20,3 millions de passages aux urgences. Il y avait plus de 21 millions de passages en 2019, avant une baisse due au covid. On est donc loin d’un doublement. Il faut remonter à 1996 pour retrouver 10 millions de passages aux urgences par an. En fait, la fréquentation aux urgences a doublé en presque 30 ans, pas en douze ans, comme l’a dit Frédéric Valletoux.
Mais il y a indéniablement une augmentation constante des passages aux urgences, alors même que le nombre de structures n’a pas augmenté dans le même temps. Comment expliquer cette augmentation de la fréquentation, constatée dans la plupart des pays développés ? Dans une étude publiée en 2015 et reprise en 2019 dans un rapport de la Cour des comptes, l’OCDE avance deux raisons principales pour l’expliquer : une hausse de la demande et une modification de l’offre.
Certains patients préfèrent aller aux urgences, d’autres n’ont pas le choix – D’une part, le comportement des patients a changé : ils préfèrent aller aux urgences pour avoir, sur un même lieu, tous les spécialistes et examens possibles à disposition. Dans un rapport de la commission des affaires sociales du Sénat, publié en 2017, les élus parlent d’une « évolution sociétale valorisant l’immédiateté de l’accès aux soins ». Dans une vaste enquête menée en 2013 par la Drees, six patients sur dix disent même être venu aux urgences en raison de « l’accessibilité » et notamment pour « régler rapidement le problème ». Par ailleurs, un autre facteur joue sur la demande : le vieillissement de la population.
D’autre part, l’offre de soin évolue : « évolution des pratiques médicales avec des examens complémentaires plus systématiques, absence croissante de médecins intervenant en dehors des horaires d’ouverture des cabinets », écrit la Cour des comptes dans son rapport. Le manque de médecins de ville par endroit ou à certains horaires oblige en effet les patients à se tourner vers les urgences. Dans son enquête, la Drees note que deux patients sur dix sont venus aux urgences parce que « le médecin traitant est absent ou en raison de l’impossibilité de trouver un médecin en cabinet ».
On entend aussi souvent parler de la bobologie, le fait de venir aux urgences alors qu’il n’y a pas urgence justement, mais ça représente en réalité une minorité de patients. Le phénomène est difficile à quantifier, reconnaît la Cour des comptes. En se basant sur la classification clinique des malades aux urgences (CCMU), la Cour des comptes estime « entre 10 et 20% » le nombre de patients concernés. Mais ce chiffre est à prendre avec des pincettes : il s’appuie sur les cas recensés après une consultation par l’urgentiste. Or, le patient pouvait bel et bien présenter des symptômes inquiétants à l’origine, qui justifiaient sa venue aux urgences. Avec tout ça, à combien s’élève le temps d’attente aux urgences avant d’être pris en charge ?
Selon l’enquête de la Drees, la moitié des patients en France reçoivent les premiers soins dans la demi-heure, et sept malades sur dix dans l’heure. Il s’agit d’une moyenne sur l’ensemble du territoire.
En Île-de-France, par exemple, les délais sont plus longs. On attend aussi plus longtemps en journée, qu’en pleine nuit. Il est urgent de s’en préoccuper avant qu’il ne soit trop tard ! »