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vendredi 18 février 2011 à 07:54

Tarification à l’Activité : T A A ou T2A : les explications de Michel Prieur

Le secrétaire du Collectif de défense des deux hôpitaux Creusot-Montceau donne des chiffres



Michel Prieur, le secrétaire du Collectif, nous a dressé ce document très précis sur les « ressources » des centres hospitaliers :



« Expliquer simplement le mécanisme de la T2A………ce n’est pas simple! Je vais essayer de le faire sans être trop long  ni trop rébarbatif !

« La T2A est un élément central de la « Nouvelle gouvernance hospitalière » mise en place par les ordonnances de mai et septembre 2005, dans la mesure où ce sont désormais les recettes issues des activités hospitalières qui vont déterminer les dépenses et non l’inverse ».

Vous avez bien lu : les recettes ne sont plus liées aux besoins mais à l’activité.  En d’autres termes la seule façon d’augmenter les recettes c’est d’augmenter le nombre d’actes. « L’hôpital gagne de l’argent en multipliant le nombre d’actes » affirme le professeur Grimaldi.       Mais revenons au mécanisme de la T2A. Après en avoir énoncé les bases nous essaierons, à partir d’exemples concrets, de montrer les effets dévastateurs de cette nouvelle tarification.

Le séjour de chaque patient est classé au sein d’un Groupe Homogène de Malades(GHM). Homogène signifie que l’on regroupe les pathologies en fonction de leur Durée Moyenne de Séjour d’hospitalisation(DMS). On comprendra donc pourquoi, à chaque GHM, est associé son pendant financier désigné par Groupe Homogène de Séjour(GHS) auquel correspond un tarif national remboursé par l’Assurance Maladie.

A ce stade de mon propos vous pourriez légitimement me poser la question : où est le problème?

Il est, entre autres, dans le fait que placer un malade dans un GHS qui a un coût et un remboursement bien précis, sans tenir compte de ses antécédents pathologiques, conduit à des aberrations illustrées concrètement par l’exemple suivant.

Vous êtes hospitalisé pour une appendicite. Le problème soulevé par beaucoup de médecins est qu’il est difficile de « quantifier » une maladie car « l’appendicite ne relève pas tout à fait de la même pathologie si le malade est cardiaque, diabétique ou présente une allergie ».

En clair cela veut dire que le coût du traitement sera différent dans les trois cas de figure ci-dessus et qu’il sera sans aucun doute plus élevé que dans le cas d’un malade « en bonne santé »!. Et pourtant le remboursement sera le même et l’on peut dire qu’il y aura là un déficit imposé à l’hôpital.

L’exemple suivant, chiffres à l’appui, apporte un éclairage saisissant sur les effets pervers de la T2A. Dans la revue Santé Action Sociale datée du 24/12/2007, Jean Luc Gibelin, directeur d’hôpital, nous présente le cas des broncho-pneumopathies chroniques classées dans le GHS 1111 tarifé en 2007 à 4644,27€ . Le coût d’une journée d’hôpital se monte à 394€.

La DMS( Durée Moyenne de Séjour d’hospitalisation) nationale de cette pathologie est de 12,17 jours. Comme une moyenne cache toujours des disparités on a « encadré » cette DMS par des séjours mini et maxi, appelés seuil bas et seuil haut, et fixés respectivement à 4 et 30 jours. Cela veut dire que, quelle que soit la durée de séjour comprise entre 4 et 30 jours, la recette de l’hôpital sera la même : 4644,27€. Jean Luc Gibelin a envisagé quatre séjours de 3,12, 24 et 32 jours. Le tableau ci-dessous se passe de commentaires quant aux effets de la T2A.


DEPENSES

RECETTES

RESULTATS

Séjour de 3j

1182,00

(394×3)

2322,14(*)

1140,14

Séjour de 12j

4728

(394×12

4644,27

– 83,76

Séjour de 24j

9456

(394×24

4644,27

– 4811,73

Séjour de 32j

12608

(394×32)

11610,68(#)

– 997,32


(*) pour un séjour en deçà du seuil bas le GHS est divisé par 2 : 4664,27:2=2322,14

(#) pour un séjour au-delà du seuil haut le GHS est majoré de 75% par jour supplémentaire, dans notre ca 2 jours supp :  4644,27 + (4644,27×0.75 )2 = 11610,68

Ce tableau nos montre :

  • que même pour un séjour correspondant à la DMS nationale le résultat est déficitaire,
  • que le court séjour peut être très rentable .

Séjour (j)

Dépenses

Recettes

Résultats

3

1182

2322,14

1140,14

4

1576

4644,27

3068,27

5

1970

4644,27

2674,27

6

2364

4644,27

2280,27

7

2758

4644,27

1886,27

8

3152

4644,27

1492,27

9

3546

4644,27

1098,27

10

3940

4644,27

704,27

11

4334

4644,27

310,27

12

4728

4644,27

-83,73

13

5122

4644,27

-477,73

14

5516

4644,27

-871,73

15

5910

4644,27

-1265,73

16

6304

4644,27

-1659,73

17

6698

4644,27

-2053,73

18

7092

4644,27

-2447,73

19

7486

4644,27

-2841,73

20

7880

4644,27

-3235,73

21

8274

4644,27

-3629,73

22

8668

4644,27

-4023,73

23

9062

4644,27

-4417,73

24

9456

4644,27

-4811,73

25

9850

4644,27

-5205,73

26

10244

4644,27

-5599,73

27

10638

4644,27

-5993,73

28

11032

4644,27

-6387,73

29

11426

4644,27

-6781,73

30

11820

4644,27

-7175,73

31

12214

8127,47

-4086,53

32

12608

11610,68

-997,32

Le tableau ci-dessous montre tous les cas de figure de durée de séjour entre 4 et 32 jours. Le graphique est là pour donner une image expressive de la situation. On notera que le bénéfice est maximum pour une duré correspondant au seuil bas de 4 jours, qu’il décroit ensuite pour devenir négatif à partir du 12ème jour!

On comprendra le pourquoi de la volonté gouvernementale et des établissements privés de santé de raccourcir au maximum la durée des séjours quitte à voir revenir les patients en cas de complications post-hospitalisation.














Nous ne saurions terminer  notre exposé sur la T2A sans montrer ses effets  nocifs  sur le déficit du SIH de Montceau qui a été multiplié par quatre à partir de la mise en application de la T2A en 2008 .

En K€

2006

2007

2008

2009

2009

Total des recettes

49 918

52 570

51 822

50 261

58 055

Evolution recettes


5,3

-1,4

-3,0

15,5

Résultat net

En K€

2006

2007

2008

2009

2009

Budget principal

-1450

-1 467

-5 332

-4 823

-5 788

Ecoles

0

0

2323

17

0

EHPAD

165

163

-7

-595

-39

TOTAL

-1285

-1304

-5316

-5401

-5827

Passage à la T2A Michel PRIEUR secrétaire du collectif



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5 commentaires sur “Tarification à l’Activité : T A A ou T2A : les explications de Michel Prieur”

  1. sillabruno dit :

    Selon le protocole d’accord entre les hôpitaux de la Communauté Urbaine le Creusot/Montceau-les-Mines et l’Agence Régional de l’Hospitalisation de Bourgogne signé, notamment, par André Billardon et Didier Mathus le 22 mai 2009, l’ARH s’engage « à inscrire l’opération de construction dans la deuxième tranche du plan Hôpital 2012, dès lors que le dossier sera prêt conformément aux dispositions de la circulaire DHOS (Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins, du Ministère de la Santé) du 15 juin 2007 ». Cette circulaire précise que « La décision d’aide pour tous les projets est guidée par le principe de base qui est celui de l’équilibre financier qui doit être assuré à une échéance donnée par les produits de l’activité (…) Dans le nouveau paradigme de financement des établissements, ce sont les recettes qui conditionnent les charges et non l’inverse (…) La logique du modèle T2A (Tarification A l’Activité) conditionne le financement d’un investissement à la capacité de l’établissement à dégager une capacité de financement c’est à dire un solde positif recettes dépenses ». Dans la circulaire de la DHOS on peut aussi remarquer la doctrine qui doit inspirer la « nouvelle gouvernance » des établissements de santé: ce ne sont pas les besoins des patients qui doivent déterminer les recettes nécessaires pour les satisfaire mais à partir des recettes obtenues (T2A) répondre au besoins des patients! Il est intéressant de noter que la tarification à l’activité a été lancée aux États Unis dans les années soixante-dix. André Billardon et Didier Mathus, en signant le protocole d’accord du 22 ami 2009, ont accepté le principe qui doit inspirer la nouvelle gouvernance !
    Bruno Silla, le 18 février 2011

  2. protektor dit :

    Voilà enfin 2 hommes compétents sur le sujet, Michel et Bruno viennent de faire une belle démonstration d’une clarté sans précédent.
    Chacun peut maintenant comprendre « comment çà marche » eh oui la fameuse DMS conditionne le déséquilibre budgétaire hospitalier.
    Mais pourquoi n’ont ils pas été entendus plus tôt, je suis certain qu’ils auraient pu contribuer à la limitation du déficit.
    On compte sur eux.

  3. Laurent dit :

    bonjour
    Est ce qu’on peut avoir une précision sur la dernière phrase de M. Silla. A priori elle veut dire que l’état ou nous sommes dans les finances des deux hôpitaux a été accepté par les élus PS ? En toute connaissance de cause ils se sont fait complices de la destruction des deux hôpitaux ? Est ce pour ça qu’ils ont toujours refusé de venir parler avec les citoyens sur l’hôpital? On attend bien sur leur réaction.

  4. sillabruno dit :

    En réponse à Laurent:
    Le principe accepté par les signataires du protocole d’accord est, comme le dit Michel Prieur « ce sont désormais les recettes issues des activités hospitalières qui vont déterminer les dépenses et non l’inverse ».

  5. Figueras dit :

    Si la médecine est à la fois une science et un art, et toutes choses égales par ailleurs, je conçois mal les oeuvres de Rubens ou de Picasso évaluées à l’aune de la quantité des coloris qu’ils ont déployés dans leurs oeuvres ou à la durée moyenne du temps qu’ils y ont consacré.

    Ceci dit, merci, merci encore à celles et ceux qui se plongent dans cette cuisine hospitalière si compliquée, pour nous en dévoiler les secrets.