A Sanvignes, au bar-restaurant « La liégeoise », un lieu devenu culte
Avec Esther, de la fantaisie au menu
Tirer son portait comme on dit vulgairement mérite mieux qu’un simple coup de pinceau sur une toile, il demande une ouverture d’esprit que beaucoup n’ont pas ou si peu et une lecture, sans doute alambiquée mais d’une grande sobriété même si un grand vin de Bourgogne vous aide a remettre les idées en place ou pas.
Nous sommes à « La liégeoise » à Sanvignes, pratiquement au bout de cette rue Jean Jaurès, un endroit qui ne paie pas de mine de l’extérieur car toute la magnificence se trouve à l’intérieur. Esther trône derrière son bar et, rapidement vous savez où vous posez les pieds car ici on dégaine plus vite que son ombre une plaisanterie grivoise : « Tu ne lis pas sur mes lèvres » lance Esther à un client. Réponse : « ça dépend sur quelles lèvres ». C’est de l’éducation théâtrale des brèves de comptoir.
Une brune qui ne compte pas pour des prunes
Le décor est planté. Un sourire, un mot, une tenue, une posture, Esther joue sur le fil de l’extravagance avec autant de touches que compte un piano à queue. Et quand elle lance son cri guerrier : « Santé bonheur, sexe et bonne humeur », tout le monde se lève! Cet humour, Esther le revendique sans modération. Elle est même capable de vous accueillir dans une tenue affriolante de mère-Noël. « L’autre jour on m’a dit que j’étais merveilleuse, charmante, désirable et classe, oui mais je ne suis pas blonde ». Brune avec un reflet rouge, ça change tout.
Voilà une femme mi-ange mi-démon « mais juste dans le verbe » s’empresse-t-elle de préciser dont le sacerdoce est de faire plaisir juste par les sens. Ce qui prend tout son sens chez les hommes, nettement moins aux yeux des femmes « ou alors que les femmes intelligentes qui ne le prennent pas au premier degré ». Et il y en a !
Née d’un papa belge et d’une maman montcellienne, Esther est donc revenue se mettre au vert, « le vert des paysages » soutient-elle. A 30 ans, elle est entrée dans un bistrot pour ne plus jamais en sortir. « J’ai trop fait la fête en Belgique et passer quatre-vingts heures au boulot, j’ai dit stop. J’ai fui ». Liège, Sanvignes, le choc est brutal. « Psychologiquement c’est dur. Ici c’est mort… »
La meilleure frite du coin
Voilà bientôt quatre ans que « La Liégeoise » offre ses services de bar et restauration à une clientèle fidèle, surtout des ouvriers. Ils viennent du Creusot, de Paray, d’un peu partout et ne le disent pas toujours à leur femme. « J’ai ce côté coquin et sexy, ça plaît aux hommes » affirme Esther vêtue d’un short en cuir noir, d’un haut noir moulant et juste recouvert d’un fin gilet noir. Bon, il est quand même facile d’expliquer qu’à La Liégeoise on y déguste la meilleure frite, celle qu’on plonge dans du blanc de bœuf (du gras) une fois à 130 degrés et une fois à 170 degrés !
Et de nos jours, peut-on entendre : « Oui, je suis extravagante. Le matin quand je me lève, la première chose à laquelle je pense est de savoir quels sous-vêtements je vais porter » sans rien sous-entendre ? Esther a sa liberté de ton, sa liberté d’être et toujours dans la bonne humeur, «ça me demande plus d’efforts de faire la tête que de sourire ». Voilà un endroit que Marcel Proust aurait volontiers fréquenté avec un peu d’imagination. Pas vous ?
Jean Bernard