5 à 10 milliards d’euros de médicaments gaspillés par an en France
Des solutions pour limiter ce gaspillage et mieux suivre les patients
Les Français sont les champions de l’automédication mais aussi ceux qui gaspillent le plus de médicaments parmi leurs voisins européens. Les dépenses de médicaments en France représentent 32 milliards d’euros et le gaspillage représenterait de 15 à 30% de cette enveloppe soit de 5 à 10 milliards d’euros.
Roland Sicard, Directeur de l’Institut de Cancérologie Sainte Catherine à Avignon et fondateur de Thess (premier distributeur de médicaments intelligent au monde) alerte sur les pertes pour la Sécurité Sociale que représente le gaspillage des médicaments en France. En accompagnant les patients cancéreux, Roland Sicard rappelle qu’aujourd’hui 1,5 million de patients sont traités pour un cancer tous les ans dont 500 000 en thérapies orales. Cela correspond à 600 millions d’euros de dépenses par an pour l’assurance-maladie.
Pour les thérapies orales de cancérologie une étude de la caisse d’assurance maladie en 2015 a conclu que 30% des traitements n’allaient pas à leur terme soit un gaspillage de l’ordre de 150 millions d’euros.
Plusieurs facteurs pour expliquer ce gaspillage
Roland Sicard explique ce gaspillage par plusieurs facteurs. C’est d’abord le conditionnement des médicaments qui est en cause. En France, on distribue à la boîte, ce qui correspond dans peu de cas aux besoins réels du patient. Par ailleurs, beaucoup de traitements ne vont pas jusqu’au bout. Et parfois certaines personnes ne suivent pas correctement le traitement.
Pour Roland Sicard, une des solutions est de distribuer des petites quantités et de renouveler les traitements d’une semaine à une autre. Cela requiert certes une organisation. « Une chaîne d’organisation nécessite d’être mobilisée. Cela permet de mieux suivre le patient durant son traitement. » explique Roland Sicard.
Pour compléter une distribution de la quantité de médicaments plus encadrée, Roland Sicard évoque aussi un dispositif logiciel et humain.
Il imagine aussi la possibilité pour le patient de se fournir en médicaments sur internet auprès d’officine en ligne. Il reconnaît toutefois qu’aujourd’hui une médicament sur trois est contre-fait dans le monde, pour un marché global du médicament de 1500 milliards d’euros par an dans le monde.
Là-aussi, l’évolution de la vente de médicaments devrait passer par la sécurisation du conditionnement de ceux-ci. « En France, la e-pharmacie se développe doucement. Le patient attend en effet d’être connecté avec un professionnel de santé. Son rêve, c’est de l’être 24h sur 24h. La télémédecine est l’avenir. On a d’ailleurs besoin de ces acteurs du soin pour avoir des conseils. » explique-t-il, avant de poursuivre « Le contexte Covid a été un accélérateur pour la télémédecine. Là où il y avait une complexification d’accès aux soins dû à l’éloignement du patient par rapport à son médecin, la télémédecine a facilité les soins par des téléconsultations. Pour les professionnels de santé, si on organise bien ces outils, ce n’est pas plus de travail. Cela nous aide à nous concentrer sur ceux qui en ont le plus besoin. »
Le dispositif THESS (therapy smart system)
« Avec le dispositif THESS, nous avons l’idée de proposer une solution intégrée qui comprend le suivi du patient, un conditionnement sécurisé du médicament et un outil intégré pour suivre la prise du médicament. Cette application va enregistrer les résultats de prise de sang, d’analyse biologique. Le patient peut signaler des événements indésirables tel des réactions au médicament. Cela lui permet de se mettre en lien avec un professionnel de santé rapidement. Et on peut rééquilibrer les choses en direct. » explique Rolan Sicard.
Cette solution est en cours de déploiement sur tous les patients atteints d’un cancer dans le centre de cancérologie Sainte Catherine à Avignon. Cela concerne 800 personnes recevant des traitements oraux. L’an dernier, année de lancement à titre expérimental du dispositif, cela a concerné 20 personnes. En 2022, Roland Sicard espère généraliser le dispositif à l’ensemble des patients du centre.
Et les personnes suivies ainsi jusqu’à présent ont été ravies. Cela a notamment éviter de rater un mauvais événement pour le patient.
Par ailleurs, le développement de tel dispositif est une tendance nationale, puisque le ministère de la santé a publié un décret en octobre 2020 pour que ce type de dispositif se déploie à l’échelle nationale dans les centres de traitement des cancers.
Au-delà de cette catégorie de maladies, le champ pathologique pouvant s’appuyer sur une telle application est large, a indiqué Roland Sicard.
Des travaux en cours avec le centre hospitalier de Strasbourg
Le centre Sainte Catherine d’Avignon a entamé des travaux avec le centre hospitalier de Strasbourg sur la détresse rénale. « On travaille pour préserver le greffon. On envisage de faire une surveillance clinique. » précise Roland Sicard.
Le dispositif pourrait très bien être élargi à des spécialités comme la cardiologie, la pédiatrie ou la psychiatrie par exemple.
Par ailleurs et à la suite de la campagne de vaccination contre la Covid-19, le centre Sainte Catherine va lancer un suivi des patients vaccinés en collaboration avec Pfizer, un suivi qui sera réalisé sur trois ans. L’objectif est de suivre les effets du vaccin et observer la durée de la couverture vaccinale pour le patient.
« On a pris le parti de vacciner rapidement, comme dans d’autres pays. Dans le micro-détail, on ne sait pas l’efficacité. Il faut faire des suivis sur des cohortes » explique Roland Sicard.
Un partenariat est donc en place avec Pfizer. Ce sont environ 15 patients qui sont déjà inclus dans l’étude. La cohorte suivie devrait atteindre le chiffre de 80 personnes suivies pendant trois années.
Une autre étude devrait être menée de la même manière pour le vaccin Astrazeneca. Des études qui devraient permettre une amélioration des vaccins selon Roland Sicard.
« Les patients concernés sont fiers d’être dans l’étude et d’être suivi. En même temps, c’est rassurant pour eux. Dans ces nouveaux traitements, on a des résultats de masse. Il y a la crainte du vaccin, d’être l’exception qui fera des réactions. » ajoute-t-il.
Avant de conclure sur le dispositif THESS :
« Comme on réagit plus vite grâce au suivi, on partage des données cliniques. On comprend mieux aussi les réactions des médicaments. On accélère ainsi les progrès de la médecine et l’efficacité des médicaments ».
Finalement la question du gaspillage des médicaments est non seulement centrale pour réduire les dépenses de santé de l’assurance maladie. Elle conduit aussi à une véritable réflexion sur le suivi du patient et les progrès de la médecine, dans les mois et les années à venir.
EM
Un commentaire sur “5 à 10 milliards d’euros de médicaments gaspillés par an en France”
Sans vouloir jouer les rabats joie une partie des idées développées auraient due être mises en oeuvre avec le Dossier Médical Partagé ! Ce qui fonctionne sur quelques centaines de personnes dans des situations, hélas difficiles, n’est pas forcément transposable sur des millions de personnes et tous les acteurs concernés. Et la distanciation sociale par la télémédecine et autres solutions internet est aussi une réalité.