Trump taxe tout ce qui bouge — sauf lui-même.
Quand l’Amérique veut nous faire payer ses usines vides et ses promesses pleines, l’Europe serre les dents… et les boulons
Les lecteurs de Montceau News entendent parler sans cesse des droits de douane que Donald Trump veut imposer au monde entier — et tout particulièrement à l’Europe.
Depuis son retour sur la scène politique américaine, l’ancien président multiplie les annonces de hausses tarifaires, dans un langage offensif et avec des effets déjà bien réels sur plusieurs secteurs de l’économie européenne.
Que signifient ces mesures pour les entreprises, les consommateurs et les relations transatlantiques ? S’agit-il simplement d’un coup de communication électoral ou d’un véritable tournant stratégique pour l’économie mondiale ?
Montceau News vous propose une explication claire et documentée de cette politique douanière américaine, de ses objectifs profonds, et de ses conséquences pour la France, l’Europe… et même les États-Unis eux-mêmes.
D’après les renseignements provenant d’Écosse, au terme d’un accord (?) entre Trump et Ursula von der Leyen, les droits de douane américains passent à 15 % sur un large éventail de produits européens, contre 0 à 5 % auparavant selon les secteurs. Avant les hausses décidées par Trump, la plupart des produits européens entraient aux États-Unis avec des droits faibles ou modérés, souvent inférieurs à 5 %. L’ajout d’une taxe de 15 % ou plus représente donc une multiplication par 3 à 5 des droits de douane pour certains produits — un changement majeur pour les exportateurs européens touchant des biens jusque-là peu ou pas taxés.
Les droits de douane de 15 % s’appliquent à une série de produits industriels et manufacturés : automobile (véhicules, pièces détachées), pharmaceutique et dispositifs médicaux, machines-outils et électroniques, produits chimiques, produits agricoles transformés. Les vins subissaient une taxe d’environ 5 à 6,3 %, cela veut dire que la taxe monterait jusqu’à 20/25 %. Les fromages, eux, se voyaient imposer une taxe d’environ 2,8 à 8,3 %, ce qui implique qu’après l’accord la taxe monterait jusqu’à 17,5/25 %.
Mais cela ne se limite pas à ça et le reste rend l’accord un rien léonin. Il est question d’achat d’énergie américaine pour environ 750 milliards USD sur 3 ans, d’investissements européens aux USA pour environ 600 milliards USD et d’achats de matériel militaire, montant non précisé (mais prévu).
Rappelons qu’en 2024 les exportations US en Europe ont été d’un montant de 482,5 Md$ pour les services et 334,8 Md$ pour les biens. En fait, rien de précis n’est sorti de l’accord quant aux objets visés, aux conditions, aux modalités d’application, au calendrier. Le plus grand accord de tous les temps d’après le président américain ressemble à un satisfécit sur l’enveloppe, sans qu’il y ait réellement quelque chose de précis quant au contenu.
On peut légitimement se demander quels sont les objectifs de Trump. Ils sont triples. D’abord Trump entend inciter à « Buy American » et « Invest in America », c’est-à-dire Trump propose aux entreprises européennes de réduire les tarifs à condition d’investir ou de produire localement aux États-Unis. Ceci dans l’idée de dissuader l’importation en favorisant la délocalisation vers le territoire américain — logique typique de “tariff leverage”.
Ensuite, ce qui est visé, c’est la réduction du déficit commercial américain en forçant l’Europe à acheter davantage de produits américains, en particulier agricoles et technologiques.
Le troisième se définit comme une stratégie électorale, c’est un objectif de politique intérieure visant à satisfaire l’électorat industriel américain, en particulier dans les États clés du Midwest (Michigan, Pennsylvanie, Ohio).
En Europe, les effets de cette politique douanière ont-ils déjà des impacts sectoriels ? Bien entendu, et avant même d’être appliqués, ces tarifs douaniers annoncés ont largement perturbé les bourses européennes, voire mondiale, tout en incitant les pouvoirs économiques à se pencher sur les solutions à apporter pour amortir le coup, à contre-attaquer. Il semble que le monde économique doive affronter seul la tempête car c’est un peu la cacophonie politique européenne, mais avec cet accord qu’il faudra faire voter et ensuite ratifier.
Les secteurs en première ligne dans cette lutte diplomatico-économico-politique sont : l’automobile, qui est et sera très impactée ; l’Allemagne, la France, l’Italie et la Slovaquie sont parmi les plus grands exportateurs vers les USA. Cela implique un réel risque de baisse de compétitivité immédiate sur le marché américain. Il faut se rendre compte que la production allemande, déjà en recul, pourrait perdre encore 5 à 8 % d’exportations vers les USA.
Deuxième secteur impacté : l’industrie pharmaceutique et les dispositifs médicaux. 4 pays sont essentiellement concernés : Belgique, Irlande, France, Allemagne. Les laboratoires exportateurs (ex. Sanofi, Bayer, UCB) craignent des surcoûts élevés. Là il peut y avoir des doutes sur les politiques que suivront ces grands groupes qui font fabriquer les molécules et principes actifs hors Europe et ne font qu’assembler sur leur territoire.
Troisième domaine, et très important pour la souveraineté, l’alimentation et la santé : l’agroalimentaire, principalement les fromages, spiritueux, huiles, conserves visés (surtout France, Italie, Espagne).
Il y aura aussi un impact indirect se traduisant par une pression sur les ventes de produits européens haut de gamme, au profit de l’offre américaine.
Face à cette situation qui a commencé avec le premier mandat Trump et qui prend d’autres proportions lors de ce second mandat, où en est l’Europe (en ce qui nous concerne, l’Union européenne) ? À la traîne, certains disent à la ramasse. Madame Von der Leyen est vilipendée par beaucoup.
Le Parlement n’a pas encore voté sur le contre-accord proposé (réduction progressive des tarifs américains si les investissements augmentent). En effet, le sujet est politiquement sensible car il divise les groupes.
Le PPE (droite, majoritaire) est divisé : favorable au commerce transatlantique, mais inquiet d’un accord trop favorable aux exigences américaines, les S&D (sociaux-démocrates) dénoncent un “chantage industriel” et exigent des clauses environnementales et sociales, Renew Europe (centristes, libéraux) s’avoue majoritairement favorables à une ratification rapide si les entreprises européennes peuvent s’adapter, les Verts sont franchement hostiles et refusent d’avaliser un accord qui “encourage la délocalisation vers les USA” et manque de garanties climatiques, l’ID (extrême droite) a du mal à tenir une ligne homogène, ses positions varient selon les pays : parfois pro-Trump (Italie), parfois protectionnistes.
En France, l’extrême droite juge cet accord catastrophique, entrainant une perte de souveraineté, l’extrême gauche, elle, parle de capitulation complète, d’abandon des principes européens, le Parti socialiste affirme que cet accord est rongé par l’asymétrie et la dépendance énergétique et militaire, la majorité y voit un accord équilibrant un risque imminent, elle considère quand même l’accord insuffisant, voire pour certains un camouflet, mais le Premier ministre twitte comme une égérie d’un pays conquis par l’axe du mal. Une grande partie des économistes, dont les Attérés, considèrent qu’il s’agit d’un accord imposé, dommageable aux intérêts européens.
Chacun, chacun selon son obédience, sa chaîne d’info nous dit tout et son contraire. C’est perturbant. Soit on cherche à nous faire peur, soit à nous tranquiliser, soit à nous laisser dans le doute. Mais personne n’est d’accord sur les effets économiques globaux. Alors jetons-y un œil neutre.
Du côté américain, l’industrie nationale protégée constatera des gains d’emplois à court terme dans certains secteurs, mais aussi une hausse des prix pour les consommateurs américains (déjà +2 à 4 % sur les biens européens depuis avril). Il y aura forcément des tensions avec l’Europe pesant sur les chaînes d’approvisionnement, notamment en pharmacie.
Du côté européen, la baisse prévisible et prévue des exportations vers les États-Unis dans les secteurs visés peut atteindre une fourchette comprise entre 3 % et 7 %. Les pays les plus touchés seront essentiellement l’Allemagne, l’Irlande, l’Italie, la France, la Belgique, la Pologne. Surtout il existe un réel risque de fragmentation de la chaîne de valeur industrielle européenne, surtout dans les biens complexes (automobile, machines, pharma). Tout cela laisse entendre une croissance plus atone que prévu, de mauvais coups à l’emploi, des problèmes sociaux importants.
L’oncle Sam est hégémonique sur le plan économique, sur l’état du droit international, sur les échanges mondiaux. C’est la vision américaine depuis Monroe. Trump n’est que le dernier fruit tombé au pied de l’arbre.
Trump vise une transformation structurelle des flux commerciaux, au service d’une réindustrialisation « made in America ». Il utilise les tarifs comme une arme de négociation, à la fois économique et diplomatique.
Cela réactive une tradition américaine ancienne mais dans un contexte géopolitique inédit.
Les répercussions sur l’UE pourraient être majeures, sauf à obtenir un compromis équitable — que le Parlement européen n’a pas encore ratifié. À la ramasse, disent beaucoup de commentateurs.
Maintenant à chacun d’analyser, de se faire son opinion et d’intervenir auprès de ses élus nationaux comme européens.
Gilles Desnoix