Budget de la Sécurité sociale 2026 voté ce 16 décembre
Ce qui va vraiment changer pour les Français
Après deux mois de débats houleux, le Parlement a définitivement adopté le budget de la Sécurité sociale pour 2026. Un texte de compromis, voté de justesse, qui acte plusieurs inflexions majeures tout en laissant intactes de profondes fragilités financières. Montceau News vous propose une première analyse pour vous permettre de mieux juger des effets et impacts du vote de ce texte.
Un vote serré, au terme d’un long bras de fer parlementaire, en effet c’est un vote à l’arraché. Ce mardi 16 décembre, l’Assemblée nationale a adopté définitivement le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 par 247 voix contre 232, après près de deux mois de débats intenses et d’allers-retours entre députés et sénateurs, et d’incertitudes alimentées par les chaines d’info en continu. Il s’agit du premier texte budgétaire adopté sans recours à l’article 49.3 depuis l’absence de majorité absolue en 2022.
Le texte doit désormais être examiné par le Conseil constitutionnel, qui dispose d’environ huit jours pour se prononcer sur la conformité de la loi avant sa promulgation. Certaines mesures pourraient encore être censurées car il existe des risques juridiques, ils sont ciblés, ils ne remettent pas en cause l’ensemble du budget de la Sécurité sociale pour 2026, mais ils existent réellement. Certaines mesures sont particulièrement exposées, notamment le blocage des tarifs des mutuelles, qui pourrait être jugé contraire à la liberté d’entreprendre, ainsi que la limitation de la durée des arrêts maladie, déjà encadrée par une jurisprudence stricte au nom de la protection de la santé et de la liberté de prescription médicale. Comme chaque année, le Conseil constitutionnel pourrait également supprimer des « cavaliers sociaux », c’est-à-dire des dispositions sans lien direct avec le financement de la Sécurité sociale. En revanche, les mesures structurantes du texte, comme la suspension de la réforme des retraites, la hausse ciblée de la CSG sur certains revenus du capital ou la création du congé de naissance, présentent peu de risques de censure.
Les risques juridiques ne s’arrêteront pas avec la promulgation car le Conseil d’État pourra, lui, être saisi sur les décrets d’application, avec la possibilité d’en suspendre ou d’en annuler certains aspects. Globalement, le budget devrait entrer en vigueur, mais des ajustements juridiques restent probables.
« Ce texte n’est pas le budget rêvé, mais il a été profondément retravaillé et amélioré », a reconnu le rapporteur général du PLFSS, Thibault Bazin (LR), tandis que le député LIOT Paul-André Colombani soulignait un texte « objectivement meilleur que la version initiale ».
Sur le plan financier, le constat reste préoccupant, il existe encore un déficit toujours massif, malgré les ajustements. Nous sommes loin de l’objectif initial du gouvernement qui espérait descendre à 17,5 milliards. En fait, le budget 2026 ramène le déficit de la Sécurité sociale autour de 24 milliards d’euros, ou 19,6 milliards après transferts de l’État. Il y a donc là encore une dérive qui est principalement liée à la progression continue des dépenses de santé, au vieillissement de la population, et à la suspension temporaire de la réforme des retraites.
Du côté des partenaires sociaux, le constat financier reste largement partagé car malgré les ajustements adoptés, la situation de la Sécurité sociale demeure préoccupante. Les organisations syndicales, en particulier la CGT et FO, dénoncent une dérive structurelle du déficit, qu’elles attribuent en grande partie aux allègements massifs de cotisations patronales, jugés insuffisamment compensés par l’État et inefficaces sur l’emploi à long terme. Le patronat, tout en reconnaissant la dégradation des comptes, met au contraire en avant la nécessité de préserver la compétitivité des entreprises et alerte contre toute remise en cause de ces exonérations. Sur le plan budgétaire, le déficit reste élevé : le PLFSS pour 2026 le ramène autour de 24 milliards d’euros, ou 19,6 milliards après transferts de l’État, un niveau bien supérieur à l’objectif initial du gouvernement, qui visait 17,5 milliards. Cette dérive s’explique principalement par la progression continue des dépenses de santé, le vieillissement de la population et la suspension temporaire de la réforme des retraites. Si l’exécutif mise sur une trajectoire de redressement progressive, aucune réforme structurelle majeure n’est engagée à ce stade, ce qui nourrit le scepticisme des partenaires sociaux sur la soutenabilité financière du système à moyen terme.
Concernant les retraites, la réforme engagée depuis septembre 2023 est mise en pause jusqu’en 2028, cela reste la mesure la plus symbolique du texte, cette suspension officielle.
Mais qu’est-ce que cela donne concrètement ? L’âge légal de départ est gelé à 62 ans et 9 mois, le nombre de trimestres requis reste fixé à 170. Rappelons que du fait de ce vote cette suspension s’applique jusqu’au 1ᵉʳ janvier 2028.
Il y a eu vote positif car cette concession du gouvernement a été déterminante pour obtenir le soutien d’une partie de la gauche, notamment du Parti socialiste, et permettre l’adoption du texte.
Du côté des mutuelles, une taxe a été votée, mais pas le gel des tarifs. Le budget prévoit une surtaxe exceptionnelle d’environ 1 milliard d’euros sur les complémentaires-santé, destinée à contribuer au financement du système. Les députés socialistes ont bien tenté d’introduire un blocage des tarifs des mutuelles en 2026 pour éviter une répercussion quasi certaine sur les assurés. Une mesure vivement contestée par les acteurs du secteur, qui la jugent inconstitutionnelle. Et, du coup, la Fédération nationale de la mutualité française a déjà annoncé des hausses moyennes de +4,3 % pour les contrats individuels, et de +4,7 % pour les contrats collectifs. Certes il s’agit là d’augmentations moins fortes que les années précédentes, mais toujours bien supérieures à l’inflation pré-Covid.
Une autre mesure sensible et controversée a été adoptée, la limitation de la durée des arrêts maladie. Le texte prévoit 30 jours maximum pour un arrêt initial, 2 mois maximum en cas de renouvellement, et ce que l’arrêt soit prescrit en ville ou à l’hôpital. Sur ce sujet, le gouvernement souhaitait initialement aller plus loin, mais a revu sa copie face aux critiques. Cette disposition pourrait toutefois être censurée par le Conseil constitutionnel, qui a déjà retoqué des mesures similaires par le passé.
Autre pierre d’achoppement des discussions : les franchises médicales. Le texte voté ne prévoit ni hausse, ni élargissement. Le gouvernement a finalement renoncé, face au tollé suscité cet été, au doublement des franchises médicales et à leur extension aux soins dentaires ou aux dispositifs médicaux (lunettes, pansements).
Les montants actuels restent donc inchangés. Les franchises et participations forfaitaires continuent de s’appliquer sur les médicaments, certains actes paramédicaux et les consultations médicales.
Sujet très sensible aussi, la CSG. La loi prévoit une hausse ciblée sur certains revenus du capital. Il s’agit là d’un compromis sur la contribution sociale généralisée (CSG). Le gel du barème pour les pensions et allocations a été abandonné, mais en revanche, le taux de CSG augmente sur certains produits d’épargne financière, à l’exclusion de placements populaires comme l’assurance-vie, le PEL ou l’immobilier. Le rendement attendu de cette mesure est estimé à 1,5 milliard d’euros.
Le budget introduit un nouveau congé de naissance, en complément des congés maternité et paternité. Les principes en sont simples : jusqu’à 1 à 2 mois par parent (4 mois maximum au total), introduction d’une possibilité de fractionnement et indemnisation par la Sécurité sociale à 70 % du salaire net le premier mois, puis 60 % le second. Ce dispositif vise à réduire les inégalités professionnelles entre femmes et hommes et à soutenir une natalité en baisse. Il devrait entrer en vigueur dès le 1ᵉʳ janvier 2026.
Comme dit plus haut, il s’agit d’un budget de compromis, comportant des fragilités persistantes car sur le plan politique, ce PLFSS est le fruit d’un équilibre instable permettant au gouvernement d’éviter une crise institutionnelle, mais ne réglant pas les problèmes structurels du financement de la protection sociale. Les syndicats FO et CGT dénoncent notamment la pression sur les arrêts maladie, la taxation des mutuelles et l’absence de réforme durable des recettes. Éléments qu’ils estiment susceptibles d’affaiblir la protection sociale.
Les réactions politiques sont contrastées, oscillant entre soulagement, compromis et fortes critiques. L’adoption définitive du budget de la Sécurité sociale pour 2026 a suscité des réactions politiques très contrastées, révélatrices d’un texte de compromis obtenu dans un contexte parlementaire fragile. Le gouvernement et la majorité présidentielle ont salué une victoire politique difficile mais nécessaire, soulignant qu’il s’agit du premier budget social adopté sans recours au 49.3 depuis 2022, gage selon eux d’un Parlement « qui apprend à gouverner par le compromis ». Les socialistes, dont le soutien a été décisif, revendiquent une inflexion majeure avec la suspension de la réforme des retraites et la création du congé de naissance, tout en reconnaissant un texte imparfait. À l’inverse, La France insoumise, le Rassemblement national et une partie de la droite dénoncent un budget jugé soit socialement insuffisant, soit financièrement irresponsable, critiquant le maintien d’un déficit élevé et les nouvelles taxes pesant indirectement sur les ménages.
Au final, ce PLFSS apparaît moins comme un budget de réforme que comme un budget de stabilisation politique, garantissant le fonctionnement du système social en 2026, sans lever les incertitudes de long terme.
C’est un texte adopté de justesse, qui sécurise l’essentiel pour 2026, mais repousse à plus tard les arbitrages de fond sur l’avenir du modèle social français.
Gilles Desnoix
Sources : BFM Business, Le Monde, Assemblée nationale, Vie-publique.fr, Fédération nationale de la mutualité française, AFP.


