« Traverse la rue » : l’emploi selon Jupiter, les chiffres selon la réalité
Petite balade absurde au pays des 6,5 millions de chômeurs et des 2,4 millions d’offres d’emploi
Le Président de la République a récidivé : « Il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi. » Bien. Dont acte. Aussitôt la presse et les chaines d’infos en continu s’emparent du sujet comme un os à ronger et l’on fait témoigner à tour de bras ceux qui s’émeuvent, ceux qui s’indignent, ceux qui se plaignent… Paroles, paroles, comme dit la chanson. Mais aucune donnée réelle, que du ressenti, que du prédigéré, que du sans aucun fond. Il serait bon d’arrêter de discuter à perte de vue sans donner corps aux arguments avec la réalité des chiffres. Comme d’habitude, il y a l’expression orale devant les caméras et puis la réalité. Quand la réalité du trottoir contredit la poésie de la punchline.
Voici, au 20 mai 2025, les données les plus récentes disponibles concernant le nombre de chômeurs et les offres d’emploi en France, réparties par catégories, sorties d’un ensemble de sources croisées et recroisées. Elles disent tout. Après les avoir intégrées, la discussion portera sur un argumentaire solide.
Nombre de chômeurs en France par catégories (1ᵉʳ trimestre 2025)
- Total des inscrits à France Travail (catégories A, B, C, D, E) : 6 494 600 personnes
- Catégorie A (sans emploi et tenus de rechercher un emploi) : 3 408 100 personnes
- Catégories B et C (avec activité réduite) : 2 330 000 personnes
- Catégories D et E (non tenues de rechercher un emploi) : 756 600 personnes
- Catégorie F (parcours social) : 26 600 personnes
- Catégorie G (bénéficiaires du RSA en attente d’orientation) : 809 300 personnes
Offres d’emploi en France par secteur (prévisions 2025)
Selon l’enquête « Besoins en main-d’œuvre » (BMO) de France Travail, les entreprises prévoient environ 2,43 millions de recrutements en 2025, soit une baisse de 12,65 % par rapport à 2024. Donc il y a 2,7 chômeurs pour un emploi. Les offres ne couvrent que 37,11 % des demandes. Difficile de dire qu’il y a un job pour chacun, on en est loin.
Répartition des intentions d’embauche par secteur :
Services : 71,6 % des projets de recrutement se répartissent en services aux entreprises : 31,2 %, services aux particuliers : 41,4 %, construction : 12,7 %, agriculture : 9,2 %, industrie : 8,9 %.
Métiers les plus recherchés en 2025
Les 20 métiers les plus demandés selon France Travail incluent :
- Serveurs de café et restaurants
- Aides à domicile
- Agents d’entretien et de nettoyage
- Cuisiniers
- Infirmiers et sages-femmes
- Conducteurs routiers qualifiés
- Vendeurs et préparateurs de commandes
- Artisans du bâtiment :
Voici un état des lieux actualisé au 20 mai 2025 concernant les salaires, la précarité et le temps partiel dans ces métiers essentiels mais souvent précaires.
Serveurs de café et restaurants
Salaires :
- Le salaire moyen des serveurs en France se situe autour du SMIC, soit environ 1 766 € brut mensuel en 2025.
- Les pourboires peuvent améliorer cette rémunération, mais ils sont variables et non garantis.
Précarité et temps partiel :
- Le secteur de la restauration est caractérisé par une forte proportion de contrats à temps partiel et de contrats à durée déterminée (CDD).
- Les horaires sont souvent décalés, incluant les soirées, les week-ends et les jours fériés, ce qui complique la conciliation entre vie professionnelle et personnelle.
Aides à domicile
Salaires :
- Le salaire horaire net moyen des aides à domicile est d’environ 12,53 € en 2023, avec une augmentation de 4,6 % par rapport à l’année précédente.
- Malgré cette revalorisation, la rémunération mensuelle reste faible en raison du temps partiel imposé.
Précarité et temps partiel :
- Environ 80 % des aides à domicile travaillent à temps partiel, souvent de manière contrainte.
- Les horaires sont morcelés, avec des amplitudes journalières pouvant atteindre 12 heures, incluant des coupures non rémunérées entre les interventions.
- Les conditions de travail sont pénibles, avec des risques accrus d’accidents du travail et de maladies professionnelles.
Agents d’entretien et de nettoyage
Salaires :
- Les agents d’entretien perçoivent généralement des salaires proches du SMIC.
- Les entreprises de propreté bénéficient d’allégements de cotisations sociales sur les bas salaires, mais une réduction de ces aides pourrait menacer la pérennité des emplois dans ce secteur.
Précarité et temps partiel :
- Le secteur est marqué par une forte proportion de contrats à temps partiel, souvent subis.
- Les horaires sont souvent atypiques, incluant le travail tôt le matin, tard le soir, les week-ends et les jours fériés, ce qui complique la conciliation entre vie professionnelle et personnelle. Ces trois professions partagent des caractéristiques communes : des salaires bas, une forte proportion de temps partiel souvent imposé, des horaires atypiques et des conditions de travail pénibles. Ces facteurs contribuent à une précarité accrue pour les travailleurs concernés.
Cuisiniers
Salaires :
- Le salaire moyen d’un cuisinier est d’environ 2 040 € net par mois, soit 30 300 € brut par an.
- En début de carrière, un commis de cuisine perçoit entre 1 600 € et 1 800 € brut mensuel.
- Un chef cuisinier peut gagner entre 2 000 € et 5 000 € brut par mois, voire jusqu’à 10 000 € dans des établissements étoilés.
Précarité et temps partiel :
- Le secteur de la restauration est caractérisé par une forte proportion de contrats à durée déterminée (CDD) et de temps partiel, souvent subis.
- Les horaires sont souvent décalés, incluant les soirées, les week-ends et les jours fériés, ce qui complique la conciliation entre vie professionnelle et personnelle.
Infirmiers et sages-femmes
Salaires :
- Une infirmière salariée dans le secteur public gagne en moyenne 2 530 € net par mois, tandis que dans le secteur privé, la moyenne est de 2 460 € net.
- Les infirmières libérales perçoivent en moyenne 2 960 € net par mois, mais ce montant peut varier en fonction des charges et du volume d’activité.
Précarité et temps partiel :
- La profession est confrontée à une surcharge de travail, des horaires décalés et une pression constante, entraînant un taux élevé de burn-out.
- Environ 60 000 postes d’infirmiers sont vacants, et près de 180 000 infirmières ont quitté la profession en raison de conditions de travail difficiles.
Conducteurs routiers qualifiés
Salaires :
- Les conducteurs de poids lourds gagnent en moyenne entre 2 000 € et 2 500 € net par mois, selon l’expérience et le type de transport effectué.
Précarité et temps partiel :
- Les conducteurs travaillent en moyenne 45 heures et 36 minutes par semaine, avec des amplitudes horaires importantes, notamment pour les grands routiers.
- Le métier expose à des risques pour la santé, tels que la sédentarité, le surpoids et des troubles musculo-squelettiques.
Vendeurs et préparateurs de commandes
Salaires :
- Le salaire moyen d’un préparateur de commandes est de 2 206 € brut par mois.
- Les vendeurs perçoivent généralement des salaires proches du SMIC, soit environ 1 766 € brut mensuel en 2025.
Précarité et temps partiel :
- Le secteur est marqué par une forte proportion de contrats à temps partiel, souvent subis.
- Les horaires sont souvent variables et incluent les week-ends, ce qui complique la conciliation entre vie professionnelle et personnelle.
Artisans du bâtiment
Salaires :
- Les salaires varient selon la spécialité et l’expérience, mais un artisan du bâtiment gagne en moyenne entre 2 000 € et 3 000 € net par mois.
Précarité et temps partiel :
- Le secteur du bâtiment est caractérisé par une forte proportion de travailleurs indépendants, exposés à des risques économiques en cas de baisse d’activité.
- Les conditions de travail sont souvent pénibles, avec des risques d’accidents et d’exposition à des substances dangereuses.
Ces professions partagent des caractéristiques communes : des salaires souvent modestes, une forte proportion de temps partiel subi, des horaires atypiques et des conditions de travail pénibles. Ces facteurs contribuent à une précarité accrue pour les travailleurs concernés.
Maintenant, chacun, chacune, nous allons pouvoir nous faire notre propre opinion sans devoir répondre aux assignations des uns et des autres.
Gilles Desnoix
Ensemble des sources consultées pour rédiger cet article : .France Travail, .Fondation IFRAP, Tout Pour L’Emploi, Le Monde, ladepeche, .Dares, Insee, Nouvelle Vie Professionnelle, Europe 1, cnt-so.org, Handicap.fr, Observatoire de l’emploi à domicile, Gagner l’égalité professionnelle, Wikipédia, Blog sap cgt, Karého, Jobted, La Ruche, SNPI, Caducee,