Saint-Bonnet-de-Joux : Journées du Patrimoine
Fontenay, Cluny et les autres : quand les pierres parlent avec Pascal Arnoux
À 66 ans, Pascal Arnoux est une source intarissable dès qu’on évoque l’Histoire. Et pour cause !
Docteur en Histoire, colonel de réserve et major en artillerie, il conjugue rigueur militaire et passion savante avec une aisance rare. Spécialiste reconnu de l’histoire militaire, il ne s’y limite pas : abbayes, patrimoine, figures oubliées… tout l’intéresse, tout l’inspire.
Marié à l’Histoire, il aimait rappeler à ses élèves (il était professeur d’histoire) que celle-ci est la potion magique dans laquelle il est tombé, quand il était petit. Une formule qui résume bien son enthousiasme contagieux et sa capacité à transmettre, avec clarté et profondeur, les récits du passé.
Rencontre avec un puits de science
C’est à l’issue d’une visite guidée des Écuries de Chaumont, que nous avons eu le privilège de rencontrer Pascal Arnoux, notre guide du jour. Avec passion et précision, il nous a fait découvrir ce lieu chargé d’histoire, avant de nous entraîner dans une conférence privée, où son érudition s’est révélée aussi généreuse que captivante.
Et attention ! Quand Pascal Arnoux commence à raconter, mieux vaut poser sa montre : l’Histoire n’a plus de fin, et lui non plus !
« L’histoire est un tout. Il n’y a pas l’histoire militaire avant et le reste derrière. Elle appartient à un contexte politique et même artistique. Je suis l’auteur de sept livres, dont le premier est intitulé « Chronologie des abbayes et monastères ». Mais il est aussi le cinquième » dit-il.
Expliquant : « Ce livre est le premier que j’ai écrit, car il est paru sous une première version que j’ai jugé nécessaire de refondre complétement. Donc c’est un livre totalement différent qui est ressorti 12 ou 13 ans plus tard. Beaucoup plus complet.
Montceau News : Quelles expériences ou rencontres ont nourri votre passion pour les abbayes et les ordres religieux ?
Pascal Arnoux : De par mon passé de chef scout, j’ai beaucoup fréquenté les abbayes et monastères. D’ailleurs, il m’est arrivé de faire une retraite dans un monastère, d’où j’en suis ressorti apaisé et serein.
Habitant en Ile de France, l’abbaye la plus proche était l’abbaye Saint-Wandrille de Fontenelle où j’avais des amis moines. Mais en réalité, c’est une commande que j’ai eue lors d’un salon du livre, où un éditeur m’a demandé d’écrire sur les abbayes et les monastères, qui a tout déclenché…
Les livres que cet éditeur publie sont tous en mode accordéon, dépliables, qui font 7 m de long, agrémenté d’un livret complémentaire. Pour ma part, j’ai toujours lu des ouvrages universitaires, bien plus fiables pour mes recherches : Jean Favier pour le Moyen-âge par exemple, et bien d’autres auteurs.
La première version de cette « Chronologie des abbayes et monastères » m’a pris huit mois, la seconde version m’a occupé beaucoup plus longtemps, car j’étais sur plusieurs projets à la fois.
Je venais de terminer mon quatrième ouvrage qui est une chronologie sur la Grande Guerre, et j’effectuais des missions militaires en tant que réserviste. Je venais de rentrer d’une opération extérieure en Bosnie Herzégovine.
Puis, je me suis inscrit pour une Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) pour retourner sur les bancs de la Fac’. Je travaillais à mes Masters M1 et M2 et sur mon Doctorat, tout en continuant de peaufiner ma « Chronologie des abbayes et monastères ».
Cette dernière a été disponible en 2012, et depuis, elle est constamment rééditée sous cette forme enrichie. J’ai notamment un moine de l’abbaye Notre Dame de Gaussan, qui m’a fourni une très importante documentation, qui m’a beaucoup servi pour parler des frères Convers, des cisterciens, à l’époque médiévale. Ce qui m’a permis d’effectuer un travail beaucoup plus complet parce qu’en définitive, il n’y a qu’un juge : c’est le lecteur.
On écrit peut-être pour se faire plaisir, mais on écrit aussi pour être lu. Et pour être lu, il faut écrire des choses exactes.
MN : Votre livre s’adresse-t-il à tous les publics ?
P.A : Je pense qu’un garçon ou une fille de 12 ans peut lire ce livre, pour peu que l’intéressé ait déjà une petite culture historique. Je ne pense pas que c’est avec ce qu’il y a dans les manuels scolaires aujourd’hui (j’étais professeur d’histoire, donc je sais de quoi je parle) qu’ils peuvent acquérir une grande culture. Les livres actuels sont bourrés d’erreurs, et avec plus d’un demi-siècle de lecture historique derrière moi, je peux me permettre de le souligner.
Je suis d’une grande rigueur, preuve en est ce lexique qui figure dans mon livre, avec tous les termes qui peuvent présenter quelques difficultés. Chanoine, bénédictin, hérésie en droit canon, visiteurs, vœux…
MN : Vos élèves devaient beaucoup vous apprécier, vous êtes une source intarissable sur le sujet…
P.A : L’histoire a été vécue par des hommes, donc des êtres de chair et de sang, des hommes qui sont comme tout le monde, victimes du péché originel. Nous sommes tous des êtres imparfaits, qui avons pu prendre des décisions justes ou d’autres injustes etc.
L’histoire, ce n’est pas figé, c’est extrêmement vivant. D’ailleurs, systématiquement, les hommes politiques refont les mêmes erreurs, trois ou quatre générations après les autres.
L’histoire donne des leçons et il faut essayer de les retenir. Alors oui, mes élèves m’appréciaient. Pour tous les informations, histoires et narrations dont je les gratifiais. Quand on est prof, si on n’aime pas ses élèves, il faut faire un autre métier…
MN : Quels types de sources avez-vous mobilisés pour établir cette chronologie des abbayes et monastères ?
P.A : Une chronologie, c’est des dates. Vous avez un cadre avec une frise chronologique, les années, les empereurs romains, les papes, les empereurs romains d’Orient, et les tsars de Russie. J’ai mis aussi dans cette frise les Rois de France et la République. Il fallait aussi des cartes, car il faut se situer dans le temps et dans l’espace.
Je me réfère également à des ouvrages universitaires, j’en cite une cinquantaine (que j’ai tous lus). Quand vous citez Alain Demurger pour les Templiers, Vincent Déroche pour les rapports entre Rome et l’Islam, des gens comme Alain Ducellier qui ont été des grands professeurs, ainsi que Michel Kaplan, grand professeur à la Sorbonne, pour l’Empire Byzantin, vous êtes sur un sentier plutôt balisé.
Sans compter tous les ouvrages qui ont été écrit par des moines ou par des prêtres et qui vous expliquent comment fonctionnait un monastère…
Pour résumer, mon livre est un ouvrage vulgarisateur, mais d’un certain niveau. Il faut avoir lu un certain nombre de choses, mais c’est accessible. Ça permet aux lecteurs intéressés d’aller sur des ouvrages un peu plus compliqués, dès lors qu’ils ont compris mon livre et qu’ils l’ont apprécié.
MN : Quel accueil votre ouvrage a-t-il reçu auprès des historiens, des religieux et du grand public ?
P.A : Il a été bien reçu de la part des religieux, des historiens et du grand public aussi. Il s’est très bien vendu. Je n’ai pas de diffuseur, car je suis mon propre revendeur.
Et si vous me demandez pourquoi je ne fais que rarement les salons du livre, c’est parce que, dans ceux-ci, si vous ne faites pas une conférence pour expliquer ce que vous avez écrit, les ventes sont moindres. Moi, j’aime écrire, pas vendre.
MN : Dans un autre registre, vous êtes le tout nouveau guide des Ecuries de Chaumont, à Saint-Bonnet-de-Joux, où Anne de Laguiche vous a recruté. Vous faites le bonheur des groupes qui viennent les visiter ces Ecuries.
P.A : Oui, je remercie infiniment Mme de Laguiche, qui est une personne extraordinaire, charmante et érudite de m’avoir recruté. L’été, je suis guide dans un petit manoir breton à Kergal, qui se trouve à une quinzaine de kilomètres de Sainte-Anne-d’Auray.
En juin de cette année, Mme de Laguiche cherchait un guide pour septembre. Je l’ai rencontrée à Versailles et elle m’a engagé. Je loge actuellement dans un gite à Saint-Bonnet-de-Joux, tout près du château et des écuries.
MN : Qu’est-ce-qui vous touche particulièrement dans les écuries de Chaumont ?
C’est un bâtiment particulier, le seul qui existe en France de ce type. Ça a quand même été construit sur un plan, dont on retrouve les origines chez Léonard de Vinci.
Il a conçu le bâtiment d’une manière très rationnelle, il y a beaucoup de choses à lire sur ce bâtiment : les armoiries d’Henriette de Laguiche, et de son mari Louis Emmanuel de Valois Angoulême, le cheval etc.
J’ai découvert également la famille de Laguiche, qui a fourni beaucoup de serviteurs à la France. C’est une famille très intéressante à étudier sur le plan généalogique.
Une famille qui est enracinée dans un terroir depuis neuf siècles, c’est extraordinaire. Mon seul regret : c’est qu’on ne retrouve pas de vestiges médiévaux.
Un jour, je vais peut-être soumettre à Mme de Laguiche, l’idée de faire venir une équipe d’archéologues, qui viendrait faire des sondages pour essayer de trouver les fortifications médiévales. Si tant est qu’elles existent encore…
Conférence de Pascal Arnoux
Enfin, lors des Journées Européennes du Patrimoine, Pascal Arnoux va donner deux conférences, les 20 et 21 septembre à 18h30, à ces mêmes écuries de Chaumont. Il abordera l’histoire des abbayes et des monastères, avec un focus sur Fontenay et Cluny, deux joyeux du patrimoine monastique.
Dans ce lieu chargé d’histoire, venez écouter celle des abbayes. À travers les mots de Pascal Arnoux, les pierres de Fontenay et de Cluny reprennent vie, les siècles se dévoilent, et le patrimoine devient récit. Une conférence comme une traversée du temps, dans l’écrin majestueux des Écuries de Chaumont.
Un rendez-vous à ne pas manquer pour tous les amoureux d’histoire, de culture et de transmission.
A noter que Pascal Arnoux dédicacera son ouvrage « Chronologie des Abbayes et Monastères » à l’issue de sa conférence.
Nelly Desplanches