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mardi 2 mars 2021 à 21:36

Assises de Saône et Loire

2ème journée du procès du meurtre d'Alain S  : Ambiance sourde et pesante



 

 

Photo d’archives de la Reconstitution du mercredi 23 mars 2016

 



 

 

Second jour du procès, de deux frères, Louis et Auguste M. devant la Cour d’assises de Saône et Loire. Ils sont accusés d’avoir volontairement tué Alain S., dans la nuit du 29 août 2015, à Montceau-les-Mines. C’est au tour de la veuve d’Alain S. (qui est aussi la sœur des accusés) de dérouler l’histoire, elle va colorer l’image de la famille M., restée lisse jusqu’ici.

Portrait de Louis M. en chef de clan, dur et « impressionnant »

 

Louis M. disait hier être allé à l’école jusqu’à ses 16 ans. « J’étais obligé, sinon mes parents, ils avaient pas d’allocations. » C’est pas vrai, dit sa sœur cadette à la barre. « On allait à l’école jusqu’en CM2, moi j’ai arrêté à 12 ans. » Elle confirme que Louis, aîné de la fratrie de 11, a pris naturellement un statut de chef de famille à la mort de leur père (mort avant ses cinquante ans). En revanche, l’image d’homme de paix en prend un coup. « C’est un lion, dit sa sœur. Tout le monde le craint. » Elle dit à plusieurs reprises qu’Auguste aurait un ascendant sur Louis, « il sait lui parler et lui faire faire ce qu’il veut ». « Louis M., c’est un dur, il sait se contrôler. » David, le fils d’Alain S., témoignera en ce sens : « Quand on parlait de lui, avec mes cousins, c’était quelqu’un d’impressionnant. Et en plus il n’acceptait pas mon père. »

 

Le clan, cette entité particulière

 

La femme maintient que le clan M. n’a jamais accepté son mari. « Ils voulaient que j’épouse un cousin, ils ne supportent pas qu’on sorte du clan. Mais moi je ne ne voulais pas, je ne voulais pas avoir d’enfants malades, ou paralysés. » De ce fait il y aurait eu « beaucoup de prises de gueule », et même des coups. « Mon mari les craignait, mais c’était la famille quand même. » Depuis le drame, elle a vu tous les membres de sa famille la mettre à l’écart. Seule une sœur tient bon. Pour le reste elle est comme excommuniée, elle est convaincue de la culpabilité de ses frères qui ne sont désormais ses frères « que par le sang ».

 

On entend beaucoup de « Chez nous », pour désigner des comportements qu’on peut trouver partout

Elle dépeint deux familles, deux styles de vie, deux façons d’être ensemble. Du côté M., un clan fermé sur lui-même, sédentarisé, rigide, « sans plaisir, c’est pour ça que les jeunes venaient passer des soirées avec nous ». Côté S., des voyageurs, plus ouverts, plus dans le plaisir de vivre. « On n’est pas accrochés à nos enfants, ils vivent leurs vies, ça n’empêche pas d’être proches. On est civilisés. »

L’uniformité de la case administrative « gens du voyage » en prend un coup, sous l’étiquette, une variété et une diversité qui dessinent des lignes. Mais pas seulement. Comme le rappelait vivement hier la présidente Caroline Podevin aux épouses des accusés : « Vous dites `Chez nous’, mais les secrets de famille ce n’est pas que chez vous, c’est partout. La Cour d’assises a l’habitude de travailler sur les secrets de famille. »

 

L’histoire du cambriolage ? « Un prétexte »

 

« Mon mari a senti le coup venir, Joseph voulait que mon mari paie pour quelque chose alors qu’il y était pour rien. Il a donné un peu d’argent mais Joseph revenait en réclamer. Il y avait trois ADN, pourquoi il n’y avait pas celui de mon mari ? Pourquoi ils se racontent encore cette histoire alors qu’il n’y avait pas son ADN dans les gants ? » Son fils après elle y revient, on sent que cette histoire a tourné. Maître Schwerdorffer rappelle qu’on parle de gants, sauf qu’on n’a pas trouvé les gants, sur ce cambriolage, on a juste prélevé des traces ADN. Le fils pense que cette histoire a servi « de prétexte » pour se débarrasser de mon père.

 

« Ils nous ont tué la vie » dit David, fils d’Alain S.

Les différentes scènes qui se sont enchaînées sur la fin d’après midi et la soirée du 29 août prennent forme et corps à la barre, si ce n’est que la scène finale reste encore dans l’ombre. Il y en eut trois avant la scène fatale à Alain S. D’abord sur le campement de Montceau-les-Mines. Joseph serait venu voir Alain, lequel est absent. Joseph revient plus tard, et « il tape sur mon mari ». « Il était déchaîné, il sautait en l’air et criait ‘J’en veux, Jo ! J’en veux !’ en tapant dans ses mains ». L’épouse d’Alain S. dit que c’est un de ses oncles qui fera monter Joseph dans sa voiture pour le ramener chez lui. Auguste M. l’aurait appelée ensuite, l’insultant, « vous n’avez pas donné d’argent ». « Alors on a décidé d’aller chez eux pour s’expliquer. »

 

« Ils ont vite couru pour aller chercher les fusils »

 

Alain S. appelle son fils qui se trouve à Moulins, lui demande de venir, puis ils s’embarquent tous les trois et vont à Saint-Sernin du Bois. Autre version de la scène racontée hier . Dans celle-ci, Auguste tient une lame, cherche à blesser Alain, n’y parvient que peu puisque sa sœur, l’épouse d’Alain, s’interpose autant qu’elle le peut. De son côté David « met une droite » à Joseph, qui tient un petit couteau, tombe, se relève. Du côté Alain S. , personne n’aurait eu d’arme avec lui. Joseph est blessé à la tête, mais David dit que c’est pas lui. Bon. Quoi qu’il en soit, « ça parle fusils » chez les M., et les S. s’enfuient. Ils redoutent qu’Auguste prévienne les gens du camp le plus proche et rentrent par les petites routes au cas où.

 

Apres Saint-Sernin, nouvelle scène sur le campement de Montceau

 

A peine ils arrivent à Montceau que Louis M. débarque. « Il en voulait », dit David. « Louis a son fusil », David le désarme, tend le fusil à un autre frère M. en qui David a confiance. Louis se bat avec Alain, « Louis a le dessus, il a toujours le dessus. Il a une mauvaise colère. » Auguste arrive au volant de son Berlingot, va heurter les jambes d’Alain. Des propos insultants fusent, « t’es un chie-culotte ». « Mon mari a vu qu’ils seraient tous sur lui, raconte sa veuve, alors il est monté dans sa voiture et il est parti. J’étais soulagée. »

Alain s’enfuit, et file à Blanzy (on le saura après).Alain S. ne revient pas. Très vite la dernière scène va se jouer dans le secret de la nuit. L’épouse et le fils le retrouveront au milieu de la nuit à l’hôpital, il a déjà fait deux arrêts cardiaques. « On s’est mis dans un coin avec mon fils, et on priait, on priait. » Dehors, les policiers présents relèvent la présence d’une cinquantaine de personnes qui crient « Le Jo, on le tue, lui et son père. »

 

Ambiance sourde et pesante

À ce sujet, les gestes menaçants du type « couic » fleurissent aux abords du tribunal, et rendent l’ambiance pesante. Dans la salle, ça va, il y a peu de monde. La présidente s’agace régulièrement des mensonges ou des efforts de dissimulation des uns et des autres. En dépit de l’avancée sur la reconstitution de la soirée du 29, on garde le net sentiment que d’un côté comme de l’autre, on ne joue pas franc jeu. Cela n’est pas inhabituel au tribunal, en revanche, que d’un côté comme de l’autre on soit prêt à en découdre encore et qu’on le manifeste chaque jour aux abords du palais de justice, donne une impression au goût amer : que tout cela ne sert à rien. Et pourtant, il faudrait arrêter « de rajouter du malheur au malheur qu’il y a déjà dans le dossier », pour reprendre une expression de la présidente.

 

Florence Saint-Arroman

 

Parmi les inconnues, celle de la présence d’un autre frère, « Franck » qui a affirmé ne jamais avoir quitté Torcy ce jour et ce soir-là, pourtant deux personnes disent qu’il était sur le campement de Montceau, et qu’il en est reparti avec l’un de ses frères.

Il est presque 21 heures quand la Cour entend un dernier témoin, un homme qui revenait de la fête foraine, avec sa famille, et qui conduisait en direction du Bois du Verne. Il était tard, on approche de l’heure du crime. Arrivé avenue des Alouettes, un véhicule qui descend s’arrête au milieu de la voie, un camion-benne (c’est le camion de Louis L.) coupe la route pour aller du côté du garage Mazda (sur la droite quand on monte l’avenue). Voyant cette scène, il s’arrête, et il entend un coup de feu. Le bruit et il voit un éclair. Il enclenche immédiatement la marche arrière, « j’ai dit à mes enfants, baissez vous ! », une seconde puis une troisième (?) détonation retentissent. « J’étais en panique. » Il est parti le plus vite possible.

 

 

 

1ère journée du procès  :

Assises de Saône et Loire

 






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