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mardi 5 septembre 2023 à 06:15

Montceau – Jugé pour exhibition 

 « Pourquoi la loi interdit qu’on se masturbe en public ? » 



C’est un homme au « bon cœur » comme dit son avocat. Gentil, pas violent, pas agressif. Le seul problème c’est qu’il a des envies sexuelles qu’il ne peut satisfaire que lui-même, et que parfois ça le prend dehors, dans l’espace public où il se masturbe.

On a déjà donné des éléments ici : https://montceau-news.com/faits_divers/743377-faits-divers-montceau-les-mines-21.html. Placé sous contrôle judiciaire à l’issue de l’audience de juin, le prévenu comparaît librement ce lundi 4 septembre, beaucoup moins stressé. Son avocat à lui est là pour l’assister.

Il est né en 1963, il est père, il est séparé de la mère, a gardé de bons contacts avec elle. Sorti de ça il est seul. Bref, il est jugé pour exhibition, parce que c’est la qualification pénale qui le dit comme ça : il se masturbe parfois dans des lieux publics, et, s’il ne cherche aucunement à être vu (« j’ai bien regardé qu’il n’y avait personne »), il est susceptible de l’être. C’est ce qui s’est passé, trois fois quelqu’un l’a vu. Les deux premières c’étaient des hommes qui ont signalé les faits mais sans se considérer comme victimes, la troisième fois c’était un père de famille qui s’apprêtait à emmener son fils au parc mais voilà pas que le prévenu était en train de se machiner, alors le petit n’est pas allé au parc. Et pourquoi se masturbe-t-il dans des endroits où il est interdit de le faire ? « Je ne sais pas pourquoi. »

Le talent de la présidente

L’audience se passe bien parce que la présidente a le talent, voire le chic, pour s’exprimer à la fois clairement (donc crûment dans ce cas) et avec respect. Stricte et impassible, avec toujours une pointe d’esprit. L’homme, sous curatelle renforcée, a vu un expert psychiatre qui conclut à l’altération de son discernement. La présidente Catala explique : « Ce que dit l’expert, c’est que c’est difficile pour vous de tout comprendre et donc de comprendre l’interdit de votre pratique, mais avec des soins vous pourrez peut-être comprendre. L’altération, ça signifie que vous êtes moins responsable. Vous ne pouvez pas être puni comme quelqu’un qui comprend tout. Vous me suivez ? – Ouais. »

« Ils ont qu’à pas regarder, ils ont qu’à pas prendre de photos »

A son casier, deux précédents qui lui ont valu un rappel à la loi et une amende de 300 euros. Ça ne lui a rien fait ? « Si, ça m’a fait mal de donner 300 euros. – Mais ça ne vous a pas empêché de recommencer ? – Non. »
Peut-il imaginer l’impact du spectacle qu’il donne sur un jeune enfant ? « Je sais pas. Ils ont qu’à pas regarder, ils ont qu’à pas prendre de photos (les témoins ont pris des photos, ndla). » La procureur l’interroge : « A votre avis, pourquoi ils ont pris des photos ? – Je sais pas, je les connais pas, ces gens. Quand j’ai vu ça au commissariat, ça m’a choqué. Moi je suis pas dangereux. – Non, vous n’êtes pas dangereux mais vous êtes extrêmement choquant. Pourquoi la loi interdit qu’on se masturbe en public ? » Il ne répond pas, la procureur insiste, insiste. « Pourquoi j’ai le droit de danser dans la rue et pas celui de me masturber en public ? » L’homme fait un geste d’impuissance. Maître Marceau qui intervient pour le père de l’enfant (faits les plus récents), vient à son secours.

« Insuffisance de réflexion »

« Monsieur, demande l’avocat, est-ce que vous vous masturberiez dans cette salle d’audience ? – Ben non, ça ne se fait pas ! – C’est la même chose dans la rue. » « Insuffisance de réflexion » écrit le psychiatre. Maître Marceau prend la parole pour monsieur X, père de l’enfant privé de parc à cause du « comportement inapproprié, d’une part, et délictuel, d’autre part, de monsieur » : « Monsieur X est inquiet parce que c’est aussi une forme de perversité » et que c’est mauvais pour les enfants. Le père demande l’euro symbolique.

La sexualité c’est un peu comme la liberté d’expression : il y a des limites

La procureur rappelle le cadre : « La sexualité est libre mais encadrée par quelques règles : le consentement, l’interdit avec les mineurs et l’interdit de montrer un acte sexuel. » « Il reconnaît, poursuit madame Saenz-Cobo, mais derrière il n’y a rien. » Elle requiert la peine de 6 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire et s’adresse au prévenu : « La prochaine fois, ça sera l’incarcération parce qu’on ne va pas laisser monsieur agir encore de la sorte. » Maître Delmas plaide pour la poursuite de soins qui commencent tout juste, car jamais son client n’en eut pour ce problème particulier. « Il ne peut pas analyser lui-même pourquoi il agit ainsi, mais quand on lui impose un cadre strict, il le respecte. C’est une vie d’une grande pauvreté et d’une grande solitude. »

Sursis probatoire et une grosse amende

Le tribunal déclare ce monsieur coupable des trois infractions et retient l’altération du discernement, le condamne à la peine de 5 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans : obligations de soins psychiatriques, de payer les sommes dues au trésor public (on va comprendre pourquoi), et d’indemniser la victime (1 euro symbolique).
La présidente fait un premier point : « Qu’est-ce que vous avez compris ? – A partir de ce jour faut que j’aille voir le psychiatre, et… faire attention, quoi, que je ne recommence pas. » Bien, mais c’est pas fini.

« Vous êtes un citoyen, vous avez des droits et des devoirs »

Le tribunal a bien entendu que ça lui avait « fait mal » de payer 300 euros d’amende, alors il le condamne à payer une amende de 500 euros, « et si c’est pas payé, vous allez en prison ». Et puis il y a une somme pour payer l’avocat de la partie civile, et la présidente enfonce le clou là où ça « fait mal » : « Donc au final, ça fait beaucoup d’argent. Ah ben oui, faut payer, quand on commet des infractions. Vous êtes un citoyen, vous avez des droits et des devoirs. »
L’homme est venu accompagné d’un bon pote qui sait lire. La présidente prend le temps d’expliquer la convocation au SPIP (le service pénitentiaire d’insertion et de probation), de la rue où se trouvent les locaux, tout. Le copain rassure le tribunal : il voit où c’est, il va aider son ami.

FSA

 

 






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