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vendredi 5 mars 2021 à 19:22

Assises de Saône et Loire

5ème journée du procès du meurtre d'Alain S à Montceau-les-Mines  : « Googleliser l’antimoine et le baryum, pour voir ce que c’est que ces bêtes-là »





 

 

« Qui a tué Alain S. ? » Charles Prost, avocat général au procès devant la Cour d’assises de Saône-et-Loire de Louis et Auguste M., accusés d’avoir tué volontairement et avec préméditation Alain S., sous la pleine lune d’un soir d’août 2015, a requis une peine de 20 ans de réclusion criminelle contre chaque accusé.

La journée entière de ce vendredi 5 mars est consacrée aux réquisitions et plaidoiries. L’avocat des parties civiles a pris la parole en premier. William Rollet choisit la voix du calme et la voie du récit. Il retrace le déroulé de cette fin d’après-midi et de la soirée de ce 29 août qui fut tragique pour Alain S., pour toute sa famille, et vraisemblablement pour l’ensemble d’une communauté dont on a du mal à tracer les contours. Une communauté muette, voire opposante, qui n’a pas aidé en quoi que ce soit l’instruction. Pour maître Rollet, les choses sont claires. Louis M. est le tireur. On retrouve des cartouches dans la boîte à gants de son Iveco, son propre fils a déclaré : « J’adore aller à la chasse avec mon père. » Le père en question disait à la barre ne pas aimer les armes, ne pas s’en servir, etc., souligne l’avocat.

Le tireur ne peut pas être Charles S.

Au fil des heures, et des épisodes successifs de bagarres, ce jour-là, les esprits s’échauffent et s’affolent. Charles S. dit s’être caché derrière un poteau, sur la scène de crime, et les croquis des accusés le placent là, comme il le dit. Le témoin, monsieur X, entend un tir de gauche à droite, « on n’en trouvera pas les stigmates, mais l’expert a dit qu’on ne peut pas écarter la possibilité d’autres tirs dont on n’aurait pas trouvé trace ». La défense plaidera la possibilité d’un tir fratricide (Charles tirant sur Alain) par erreur ? La victime pesait 107 kg pour un 1,70 m. « Impossible de le confondre avec un autre. »

« Ils ont violé la prescription de la Bible : tu ne tueras point ton prochain »

« Les accusés n’ont pas de regrets. Ils ont tué monsieur Alain S., violant la prescription de la Bible : tu ne tueras point ton prochain. » L’avocat général prend le temps de maintenir son regard sur les deux hommes qui lui font face. Ils ne bronchent pas, ne réagissent pas. Charles Prost a lui aussi pris le temps de méthodiquement ordonner les éléments dont il dispose pour démontrer la culpabilité de Louis M. comme tireur. Il dit que mobile est apporté par Auguste M. dont le fils aurait été condamné pour un cambriolage à la place de son oncle Alain, et lui réclamait en vain de l’argent pour payer les indemnités.

« L’un des faits les plus anciens et les plus graves de notre société, un assassinat »

Là-dessus, à Saint-Sernin du Bois, le fils d’Alain S. blesse Joseph à la tête, ça saigne, il est hémophile, le sang de son père ne fait qu’un tour. Le mobile s’ancre là. Donc, la co-action, oui, la préméditation, oui. Au passage l’avocat général tient à « saluer le courage de monsieur X, qui a permis d’instruire ce dossier. » Il s’adresse aux jurés : « Mesdames et messieurs, vous aurez à délibérer sur l’un des faits les plus anciens et les plus graves de notre société, un assassinat. Les peines doivent être proportionnelles à la personnalité des auteurs qui contestent encore les faits. » Il requiert des peines de 20 ans de réclusion criminelle à l’encontre des deux frères.

« Auguste M. n’a pas tué Alain S. »

A sa suite se succèdent trois avocats. D’abord, Maître Pichoff et maître Schwerdorffer, dans les intérêts d’Auguste M. plaident l’acquittement de leur client. « Auguste M. n’a pas tué Alain S. » Ils s’attachent à démonter la prévention de co action, ainsi que toute préméditation. « L’enquêteur hier l’a dit : l’auteur du tir reste indéterminé, c’est une affaire non résolue. » La part plus délicate revient à maître Nicolle puisque c’est son client qui est désigné comme le tireur, même si Charles S. avait déclaré qu’Alain, grièvement blessé, lui avait dit « C’est Bébé (soit Auguste M.) ».

On joue la confusion, le flou, le « tout et rien »

Louis est désigné d’abord à cause de l’endroit où il se situe, sur la scène de crime, qui correspond peu ou prou à l’endroit d’où le tir certain établi par l’expert a été commis. Maître Nicolle soutient avec force qu’il est impossible que son client se soit trouvé là. Pour autant l’avocat est long à entrer dans son propos. Il parle des avocats, « il y en a, comme dans toutes les corporations, des mauvais » mais pas ici, ajoute-t-il, il parle de Joseph, « tué, massacré », tacle l’avocat des parties civiles, parle des chercheurs en sciences qui cherchent, un vaccin, par exemple, et « parfois trouvent, parfois pas ».

« Googleliser l’antimoine et le baryum, pour voir ce que c’est que ces bêtes-là »

Puis il en vient au fait : convaincre les jurés que Louis M. n’a pas tué Alain S. On repart dans les détails mille fois remâchés au cours de la semaine, exploités dans un sens ou dans l’autre. « Le calibre 12 est très répandu, ce n’est pas parce que Louis M. a deux cartouches de cette sorte dans son camion que ça vient prouver quelque chose. L’avocat invite les jurés, « puisque vous aurez tout le week-end pour réfléchir », à « googleliser l’antimoine et le baryum, pour voir ce que c’est que ces bêtes là ». La question des résidus de tir avait pourtant reçu une réponse claire au cour des débats : dans ce dossier ils ne prouvent rien, si ce n’est qu’il y a eu des tirs. Au terme de deux heures de plaidoirie, maître Nicolle demande à la Cour d’acquitter Louis M.
L’audience est suspendue, elle reprendra lundi matin. Verdict dans la journée ou en soirée.

 

Florence Saint-Arroman

 

 

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